Une metteuse en scène est abandonnée par toute sa troupe, qui lui reproche son caractère dirigiste, brutal, voire inhumain.
Seul Axel, lui-même tenu à l’écart pour son comportement étrange et ses relations familiales avec le directeur du lieu, n’a pas participé au putsch et est présent au poste.
Sauf que sa présence n’est pas du goût de Bérangère qui le considère comme un boulet et une nullité artistique.
Derniers refuges de la jeune femme qui voit ses espoirs s’effondrer… l’alcool et un humour noir et particulièrement grinçant.
Quand Chloé, tel un Saint Bernard, déboule sur le plateau pour aider sa frangine, la situation va devenir comme… explosive.
Face à face, ces trois âmes en peine, ces trois cabossés de la vie ne vont pas manquer de s’empoigner, de se débattre, de se chercher des noises, mais aussi de montrer, derrière leur façade de rigueur, leurs fêlures, leurs détresses et leurs forces respectives.
Au final, dans cette confrontation, pas de gagnant, pas de perdant, mais beaucoup de rires, parfois un peu jaunes, parfois amers tant les tensions qui minent les relations dans ce huis clos sont toutes à la fois délicieusement foldingues et d’une interpellante pertinence.
Théâtre dans le théâtre, O’Sister est tout à la fois un amalgame de gags et quelques extraits de pièces, épicés à la sauce émotion et sensibilité exacerbée, le tout mené sur le rythme du thriller.
Un mélange détonnant, cocasse, une progression par paliers, par étapes qui surprend, amuse, étonne, mais peut un tantinet agacer.
L’ensemble est hétéroclite, trop presque, et finit par y perdre de son charme et sa fraîcheur initiale. À force de rajouter des éléments et du rocambolesque, on en arrive à des pirouettes narratives qui perdent tout contact avec le drame humain initial et carrément avec la réalité.
Si cela n’enlève rien au côté jouissif de O’Sister, on a l’impression d’une certaine facilité, de voir utiliser des ficelles pour en finir, bien loin de la profondeur humaine et pourtant pleine saveur, de sel et d’esprit qui de bout en bout sous-tendait Emma ou Les Dernières volontés .
Trio détonnant et décapant, Muriel Bersy, John-John Mossoux et Odile Matthieu insufflent par leur fougue et compensent par leur générosité les petits manquements ou longueurs du texte.
Muriel Bersy (Bérangère) se révèle d’une puissance de jeu incroyable, fragile et forte, simple et complexe, bourrue et torturée ; John-John Mossoux réussit la performance de tout à la fois jouer et de contrejouer, faire le mauvais comédien, l’empoté et être l’élément apaisant et fédérateur du trio tandis qu’Odile Matthieu (Chloé) dans sa normalité torturée, dans son vertige intime essaie de faire partager son dynamisme et ses convictions.
En ces temps tristounets, tordre le cou à la morosité et en profiter pour régler quelques comptes avec la sacro-sainte et encombrante famille, ce n’est pas mal non ?
Muriel Hublet |