Avec Les enfants de Jéhovah, Fabrice Murgia s’attaque à l’intime et au politiquement tabou.
Il plonge dans la faiblesse humaine, cette manne providentielle pour les sectes, là où elles trouvent adeptes, recrues et victimes parmi les blessés, les isolés, les écorchés vifs.
Il nous fait suivre le destin d’immigrés italiens.
Échanges contre du charbon, entassés dans un appartement, presque affamés, la mère en perd son bébé.
Seule, sans repères, sans maîtriser la langue, elle devient une proie facile pour les témoins de Jéhovah et entraîne toute sa famille dans cette spirale idéologique.
À des années de distance, nous vivons aussi le jour des noces d’une des filles qui tente de renouer avec son frère qui lui, s’est libéré de ce joug.
Scénographiquement superbe, la mise en scène de Fabrice Murgia est faite de petites touches, d’aller-retour, d’impressions, de suggestions, de perceptions, d’émotions et d’images fortes.
Surprenants, poignants, captivants, déroutants, Les enfants de Jéhovah méritent plus d’un qualificatif.
Et s’il fallait ne lui en donner qu’un ?
Avec parcimonie, il faudrait opter pour le mot trop.
Spectacle de tous les excès, de tous les paradoxes, Fabrice Murgia nous égare dans la linéarité, nous voile les comédiens derrière un écran de toile (celui de la pudeur, des regrets, de la honte ?), nous floute légèrement les menaçants extraits de films de propagande aux musiques tonitruantes, nous surprend avec le témoignage très actuel d’un enfant plutôt décomplexé, nous enfume dans les volutes de souvenirs où l’âme se livre, se révèle ou se dénude.
Au final, on se réveille d’un voyage entre cauchemar doucereux, onirisme et poésie, tout à la fois surpris, étonnés, ravis, mais frustrés. Avec au cœur comme l’impression d’être passés à deux doigts …, d’avoir effleuré, quelque chose et de l’avoir vu partir … en fumée.
Sublime et …
Muriel Hublet |