On est tous de quelque part
D’un village ou d’un port
Brun du sud, bleu du nord
Dans nos regards …
Seule en scène, Estelle Marion égrène les moments de sa vie, pour décrire son déséquilibre, sans cesse en train de faire le grand écart entre deux mondes, deux couleurs, deux ethnies, deux univers, deux continents, etc.
Fruit de l’amour d’un Belge et d’une Rwandaise, elle n’est ni blanche ni noire.
Café au lait, pêche, amande grillée, quel est son teint ?
À qui doit-elle s’identifier ?
Dans quelle culture doit-elle plonger ses racines ?
Comment une enfant peut-elle choisir, découvrir son chemin, ses références, ses repères dans un tel dédale, sur un pareil sol mouvant ?
Comment trouver ses marques, combler le vide béant que l’on ressent alors que pour beaucoup être métis est un tel … avantage !
Avec pudeur, tendresse et humour, elle revisite son enfance, son adolescence, sa scolarité. Accompagnée par la musique de Marc Hérouet et Manou Gallo, elle épingle les nombreuses incohérences qui ont émaillé son parcours.
Si Estelle Marion exorcise d’une certaine manière sa douleur intime, elle soulève le voile sur un sujet très rarement abordé, sur une situation méconnue, souvent même inconcevable.
Simplement, avec humilité, avec ses propres mots et quelques emprunts de-ci de-là (Billy Holiday, Toi Derricotte, Antoine Tshitungu Kongolo, Claude Mckay, Maya Angelou), en parlant ou en chantant, elle pimente son récit de références connues pour mieux nous sensibiliser, maintenir notre intérêt (Black Power, Vietnam, Lumumba, Mobutu, Kabila, les mille collines, etc.).
Fragile et forte, gracieuse et élancée, presque une danseuse, elle nous tient ainsi en haleine, elle emplit l’espace d’une aura de poésie et… d’harmonie
Muriel Hublet |