Je ne suis personne. Je ne peux être personne, Car je porte en moi tous les rêves du monde…
C’est par ces mots de Fernando Pessoa que Paul Emond commence son adaptation. Il nous propose de fouiller dans la malle aux souvenirs, aux textes de Monsieur Personne(s), cet écrivain, critique, polémiste et poète portugais qui a laissé derrière lui une œuvre complexe dont la principale caractéristique est probablement la diversité des personnalités qu’il a créées et sous lesquelles il a publié allant pour chacune jusqu’à imaginer convictions et biographie.
Pour se faire, il convie sur scène l’auteur et quelques-uns de ses ‘enfants’. À la recherche de l’homme, du vrai, par-delà tous ces personnages, toutes ces dissonances, Paul Emond tente de nous entraîner dans une quête, une sorte d’enquête policière. De reflets en images, miroir après miroir, toujours floue, insaisissable, une esquisse, une silhouette, semble sortir de sa gangue.
Soutenus par la guitare de Renaud Dardenne, Idwig Stéphane (intrigant au regard malicieux et pétillant), John Dobrynine (inquisiteur nerveux), Emmanuel Dekoninck (pâtre nature et presque lunaire) et Itzik Elbaz (enfermé dans de torturés et mélancoliques songes) nous transportent dans un univers paradoxal, à la poursuite d’un quotidien onirique, d’un rêve moite et humide comme les rivages de Lisbonne, tortueux comme ses venelles, sombres ombrageux et puissants comme ses habitants.
La mise en scène d’Elvire Brison, sorte d’écrin délicat, est comme un tremplin pour ces envolées de mots qui s’entrecroisent, volent et planent. Elles emplissent l’espace faisant naître de multiples sensations… humour, cynisme, tristesse, solitude, tendresse, désespérance, etc.
Le décor de bois et de pierre de Philippe Hekkers, les vidéos de Vincent Pinckaers et la douceur des lumières de Benoît Theron complètent l’ensemble, l’emballage d’un texte, d’une poésie merveilleusement jouée, interprétée tout en fougue et en finesse.
Superbe moment théâtral qui malheureusement ne séduira que les amateurs de tirades et d’envolées lyriques.
Muriel Hublet
Spectacle vu le 18-01-2013
Théâtre des Martyrs
Présentation du spectacle :
Résumé :
Pessoa est une mauvaise
conscience plurielle et monstrueuse : la vôtre, la nôtre. Pessoa est un cri de douleur et un
bêlement, un chant très pur et une grimace, un ongle qui raye le tableau où un bon professeur
voulait inscrire la sécurisante démonstration de son théorème.
L'affiche :
Adaptation de Paul Emond d’après les textes de Fernando Pessoa
avec : John Dobrynine, Emmanuel Dekoninck, Itsik Elbaz, Idwig Stephane
à la guitare : Renaud Dardenne