Un homme entre et se met à parler.
Qui est-il ?
Où est-il ?
À qui parle-t-il ?
Qui tente-t-il de convaincre ?
Jacques (Stephen Shank) nous conte son histoire, sa vie d’aujourd’hui, d’hier, son enfance, son travail, sa famille, sa vie sociale et sexuelle…
Derrière chaque phrase, chaque bride de récit, un seul fil rouge, l’alcool présent encore et toujours.
Second leitmotiv qui apparaît très vite… solitude.
Jacques est seul avec sa vie, ses problèmes.
Il semble raisonnable, mais par instants il paraît basculer dans l’incohérence.
Il se cherche des justifications, d’autres mots pour ne pas prononcer alcoolisme, il avoue sa faiblesse de caractère, son adolescence sans repères, sans présence paternelle.
Basé sur des témoignages et des rencontres, Voilà n’est ni un jugement, ni une prise de position.
Pas de morale, pas de pathos, pas de sensationnalisme, juste une mise à nu de l’âme (que l’auteur, acteur et metteur en scène Stephen Shank a choisi de prolonger sur les planches par la gestuelle une toilette), comme un état des lieux, la mise à plat d’un phénomène de société qui va en s’amplifiant avec la modification de nos règles et coutumes.
Voilà est aussi un miroir tendu à notre regard, à nos jugements muets, si lourds à porter, à supporter pour les autres, à nos préjugés, à nos a priori que nous jetons autour de nous avec la même facilité que pour un mouchoir en papier, machinalement, sans réfléchir.
Le spectacle ne manquera pas d’interpeller.
Est-il en train de se mettre à déshabiller son âme devant un psychiatre ?
Tente-t-il de convaincre un soignant dans un asile de nuit ?
Mille et une idées vous viendront en tête.
Voilà est un récit sensible, intime, une heure de tête à tête avec son vécu, son propre rapport à l’alcool, aux drogues, une heure avec ses failles, avec ses faiblesses et ses fêlures.
Acteur, interprète, auteur, on ne voit pas Stephen Shank, on ne voit pas Jacques, on reconnaît quelqu’un, un membre de notre famille, un proche, une connaissance, un collègue, un ami… tant le texte plonge au cœur de l’authentique.
Voilà est un tout, car au fin fond de son intimité, si
« … chacun est un cas particulier
on est tous pareil
on a tous du plaisir,
de la souffrance
de la douleur
et du désir... ».
Un spectacle fort, prenant, émouvant, porteur de questions, qui mérite de trouver de nombreux échos.
Muriel Hublet |