A la recherche de l’esprit manouche (perdu ?)
Battuta nous plonge dans l’univers des gitans, des tsiganes, des roms,…
Zingaro explore en rythmes et claquements de fouets, les mythes, légendes et réalités qui entourent cette peuplade mal connue, ignorée, honnie ou très souvent considérée à travers la lorgnette déformante de nos préjugés d’un autre âge.
Deux orchestres se font face.
D’un côté l’étincelante fougue des cuivres, de l’autre les déchirants sanglots des violons.
Deux musiques, deux tempos vont s’opposer, se répondre, se fondre et s’unir dans un portrait nuancé (et par instants clichés) d’un inconnu séduisant, intriguant et chatoyant.
Au centre, une double piste, une arène presque, où défilent, ou se défient comme jadis les glorieux gladiateurs, des cavaliers (et cavalières) émérites.
Car Battuta se résume principalement à cela, un galop ininterrompu de chevaux et de multiples prouesses équilibristes.
Si l’on frémit devant certaines audaces, si l’on admire la dextérité ou l’adresse qu’il faut pour réaliser ces numéros, on éprouve aussi (souvent ou parfois ?) une certaine lassitude face à la répétition de certaines cascades (déclinées en solo, puis en duo pour finir par être exercées par 5 ou 6 écuyers de concert).
Pourtant …
En replongeant dans l’histoire des peuples gitans, ne retrouvons-nous pas la trace d’errants de ville en ville, qui pour subsister organisaient dans leurs campements des spectacles ?
Ces évidences circassiennes et ces classiques prouesses équestres, ne peuvent-elles donc aussi se percevoir comme des reflets de l’esprit tsigane, de l’âme de ces romanichels, de ces gens du voyage ?
Battuta, sous cet éclairage, ne prend-il pas un autre relief ?
Tout ne devient plus dès lors qu’une question d’attentes et d’espérances.
L’appréciation de chacun sera forcément très différente.
Certains points du show font pourtant la quasi-unanimité chez les spectateurs, dont le début de spectacle, avec ces chevaux en liberté dans le campement ou la beauté de la mariée et son long voile.
Ces impressions magiques et envoûtantes s’évacuent parfois trop vite et donnent un sentiment d’avoir perçu une ébauche de poésie inachevée ou inexploitée, mais les réalités de la vie et notre ostracisme n’en font-ils pas de même avec les rêves des romanichels ?
Dès l’apparition de l’ours clownesque, le consensus se fait définitivement et jusqu’à la fin.
Tous parleront d’énergie débordante ou de bouillonnement inventif devant ce tourbillonnant et burlesque manège de carrioles décorées comme des chars de carnaval et qui chacune évoque un pan de vie des tsiganes (mariage, enterrement, bain, voleur,…)
Coloré, débridé, amusant, bon enfant, Battuta est un spectacle équestre dans la veine de pas mal de numéros de cirque.
La représentation offrira pourtant, à qui sait (ou veut) la percevoir une vision de l’âme gitane.
Et même si, à certains yeux, Battuta n’est qu’une succession de numéros de chevaux de plus, il se révèle néanmoins séduisant, professionnel, avec une petite touche d’originalité et une exubérance généreusement chaleureuse qui ne gâte rien, que du contraire.
Muriel Hublet |