Notre critique de Le mariage de Lila ou le chaos urbain
Joyeuse et saine mixité
Le Mariage de Lila ou le chaos urbain pose un œil critique et amusé sur nos villes et le multiculturalisme.
Deux mois après les attentats de Charlie Hebdo, dans une Belgique qui compte le plus de jeunes gens partis combattre aux côtés des djihadistes, dans un contexte de frilosité et de repli sur soi où ‘l’étranger’ est regardé avec crainte ou ostracisme et les actes d’intolérance ou racistes sont légion, ce spectacle est une vraie bouffée d’oxygène, d’espoir et de positivisme.
Le chapiteau de la Compagnie des Nouveaux Disparus est transformé en un quartier mixte et coloré.
Trois des côtés de la scène sont bordés de petites bicoques, au centre, formant deux pâtés de maisons, une partie du public (le reste faisant face à l’espace scénique), entre eux quelques rues qui permettent aux acteurs de se déplacer et de jouer.
Jeunes et vieux, Belges, Italiens, Marocains, musulmans, chrétiens, juifs s’y côtoient, se connaissent, s’apprécient et s’entraident depuis des années.
Située en plein cœur de la ville, cette paisible oasis de sérénité devient la proie des promoteurs.
Tout doit être rasé pour faire place à une infrastructure moderne, faite de gratte-ciels, hypermarchés, bureaux et même d’une gare flambant neuve digne du design de celle des Guillemins à Liège.
Après des tentatives de rachats de manière silencieuse, la commune, grisée par ces perspectives de développement, ordonne des expulsions dans le cadre de ‘l’intérêt public’.
Face aux pelleteuses et autres bulldozers, les habitants vont s’unir pour essayer d’infléchir le processus ou tout au moins obtenir des indemnités suffisantes pour se reloger décemment dans une cité où le prix de l’immobilier est désormais prohibitif.
Aux premières loges de ce combat, deux amoureux, Lila la Marocaine et Frédéric le noble Belge.
Critique de notre société cupide, injuste et égoïste, Le Mariage de Lila est une superbe bouffée d’espoir qui prône la défense du plus faible et surtout que l’amour ou la religion ne soient jamais des obstacles.
Présenté ainsi, le sujet risque de paraître rébarbatif.
C’est pourtant, tout le contraire.
Généreux, spontané, vivant et joyeux, le spectacle conçu par Jamal Youssfi (mise en scène et écriture) est également participatif et interactif.
Au fil des saynètes, les spectateurs deviennent des manifestants scandant des slogans protestataires ou sont conviés à partager les chants de la noce…
En gestes, chansons et musiques, la créativité de Jamal Youssfi distille habilement impressions et atmosphères. Même si, parfois, comme dans le tableau du déménagement, cela semble un peu longuet.
Mais ce n’est qu’un bien faible bémol pour un ensemble, pour le reste, mené tambours battants (au propre et au figuré).
Huit comédiens endossent tous les rôles : Ben Hamidou (excellent dans ses multiples personnages), Yannick Guégan (génial grand-père bougon), Julia Le Faou (vibrante et lumineuse Lila), Benoît Janssens (le discret Frédéric), Saïd Bahaïd (le père à l’exubérance contagieuse), Coline Charlier (la croquignolette petite vielle), Marie Sottiaux (l’ardente jeune artiste) et Hélène Pimont (la mère au sourire pétillant).
Il me faut encore souligner l’énorme travail scénographique effectué par Valérie Leclercq, les costumes d’Hayat Youssfi et les maquillages de Géraldine Dubois. Le Mariage de Lila ou le chaos urbain est l’œuvre de toute une troupe, au service d’un idéal, celui de transmettre un message de paix, de tolérance et de compréhension.
À voir, à apprécier et… à méditer.
Muriel Hublet
Spectacle vu le 05-03-2015
Théâtre des Martyrs
Présentation du spectacle :
Résumé :
Fidèle à son engagement social et citoyen fort, la Compagnie des Nouveaux Disparus propose,
dans ce nouveau spectacle joué sous chapiteau, de poser un oeil critique sur la transformation de
nos quartiers et la manipulation dont certains habitants issus de milieux précarisés peuvent être
victimes.
L'affiche :
Texte et Mise en scène :Jamal Youssfi
Avec : Ben Hamidou, Saïd Bahaïd, Yannick Guégan, Marie Sottiaux, Coline Charlier, Benoît Janssens, Julia Le Faou, Hélène Pimont