Marrakech
Une scène quasi vide.
Une lumière jaune luminescente enveloppe deux femmes.
Mirage ou réalité, sont-elles dans le désert ?
Dans une sorte de no man's land très féminin, elles vont évoquer leur quarantaine vieillissante, leur cinquantaine florissante et leur décrépitude physique.
Elles sentent les rides s’installer, les peaux s’affaisser, la poitrine pendouiller, la séduction s’estomper.
Cauchemar ou réalité ?
La première (Hélène Theunissen) hésite, elle se sent transportée en absurdie, loin de son ronron quotidien.
Vêtue dans un classicisme BCBG, elle voit sa confortable sécurité quotidienne s’effrite dans le regard des autres.
Elle se sent transparente aux yeux des hommes, elle se sent prisonnière dans un corps qui se délabre, qui se désagrège, qui vieillit irrémédiablement.
Elle n’y retrouve plus sa féminité. Elle perd toute identité.
Face à elle, sorte de comité d’accueil, une femme (Jacqueline Bollen) en porno chic.
Elle affirme avoir trouvé la solution pour lutter contre cette quarantaine (étrange que ce mot signifie également isolement) vieillissante, cette cinquantaine affligeante et son inévitable conséquence : la ménopause.
Sa solution, chercher à retrouver dans la sexualité une identité sexuelle, renouveler les stimuli, réveiller ce corps qui s’endort et ainsi enrayer cette chronique d’une mort annoncée.
Pour outils thérapeutiques, guêpière rose, boules de geisha et petits accessoires de sexe … à piles.
Tout semble les opposer, caractère, mode de vie et passé. Une seule chose les réunit, une même souffrance intérieure, le même vide, le même couperet biologique.
Entre confidences et révolte, elles s’avouent sans complaisances détraquées des hormones, atrophiées du vagin, victime d’une horloge biologique aberrante. Une rage et des revendications justifiées face à une injustice flagrante, mais le tout avec enrobé de beaucoup d’humour et d’ironie.
Aussi gamines que des adolescentes, femmes fatales, séductrices invétérées, elles jouent sur la harpe des sentiments, elles dévoilent une harmonie de notes parfois dissonantes, mais qui émeuvent ou font sourire.
Toujours parlants, jamais mièvres, les mots de Paul Pourveur, un homme, le seul de l’équipe, réussissent la performance de nous offrir un texte très humain. L’auteur évoque judicieusement fantasmes, douleurs, hantises et fait de Marrakech bien plus qu’un fantasme féminin, il le transforme en exutoire, en communion d’esprit.
Il brise l’étau du silence et du secret qui entoure souvent ce cap hautement délicat pour nous offrir un texte profondément humain et lucide sur un état trop souvent tabou, enterré sous le poids du silence et des conventions.
Il bombarde donc à grands éclats de rire le carcan des préjugés.
Grâce à lui, la féminité se découvre un relief différent et plus profond qu’une couche de vernis à ongles, que la hauteur des talons ou l’idéal du 90-65-90.
Fini la femme objet sexuel ou la potiche, elle devient un être à part entière, qui vibre, qui aime, qui palpite, qui brille et séduit non par son sexe, mais bien par l’ensemble de sa personnalité.
Marrakech est une ode à la femme, à la féminité.
Sensible et humaine, elle est comme un bouton de rose qui s’ouvre à la vie, crue perdue et retrouvée. Rouge carmin, veloutée et musquée, elle exhale son parfum enivrant ensorcelant enfin libéré par Paul Pourveur de son carcan étouffant.
Superbement interprétée par Jacqueline Bollen et Hélène Theunissen, dans une mise en scène de Janine Godinas, Marrakech subjuguera la gent féminine et égratignera sans complexe (mais sans trop de méchancetés les hommes et leurs démons de midi).
Véritable cure de jouvence pour l’esprit, Marrakech est plus efficace pour le teint qu’une injection de botox ou un coûteux lifting.
Spectacle vu le 28-02-2007
Lieu :
Théâtre des Martyrs - Atelier
Une critique signée
Muriel Hublet
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