Jours de pluie
Noir, tout est noir, sauf une silhouette androgyne, sans nom, et sans corps.
Anne-Pascale Clairembourg est assise à même le sol nu et froid, elle est enserrée dans un carcan de craie, au-dessus d’elle, la pluie.
Élément récurent, qu’elle soit crachin, ondée, bruine ou averse, cette eau tombera ainsi tout au long de la pièce. Eau purifiante, eau qui lave, eau qui permet d’effacer le tableau noir d’un passé douloureux, eau source de vie.
Enfant traumatisée par la mort de son père, fille sans protection livrée aux mains inquisitrices de son grand-père, aux assauts d’un loup violeur, aux manigances lubriques d’un beau-père, elle raconte son passé douloureux par bribes. D’une manière un peu désordonnée, elle accumule les petits mots, revient sur ses pas, repart courageusement vers l’avant.
Elle est comme une digue rompue, elle ne retient plus rien, elle retrace sans fausse pudeur sa courte vie. Elle tourne les pages de sa vie, un petit carnet noir, juste 17 pages remplies d’une écriture grise.
Elle va mourir, aujourd’hui ou demain, mais avant de fermer à jamais le livre de sa vie, elle dit tout dans une sorte d’aveu, mais aussi une tentative de purification, une manière de transmettre le flambeau, un espoir au cœur, celui que sa fille ne subisse pas la même vie.
Le texte est poignant et pourtant à aucun moment, cette femme sans nom ne cherche à inspirer la pitié, à émouvoir.
Elle énonce comme des évidences ses traumatismes d’enfance.
Sans haine, sans cynisme, elle ne se plaint pas, elle est tout simplement une femme sans corps.
Une mise en scène sobre, qui met en avant ce corps rendu soigneusement androgyne, les seins sont bandés, le corps est gainé de couleurs chairs, les jambes paraissent sans fin, trop fragiles presque pour ce corps sans genre, sans nom.
Si Anne-Pascale Clairembourg laisse ruisseler la pluie sur son visage, sur ses bras, elle semble se laisser toucher par l’eau, elle admet sa caresse sur sa peau, comme jamais elle n’a accepté la présence des autres dans son corps.
Les larmes au bord des yeux, elle hésite entre rire et tristesse, elle se confie, sans chercher à nous apitoyer, elle parle tout simplement, les faits sont là, il n’y a rien à cacher, son récit est édifiant, vrai.
La prestation d’actrice est superbe. Si la pièce n’est pas longue, elle est éprouvante physiquement et le jeu lui est sobrement plein de vérité.
Spectacle vu le 19-01-2007
Lieu :
ZUT Zone Urbaine Théâtre
Une critique signée
Muriel Hublet
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