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Incendies
IncendiesUne  pièce aux murs noirs.
Le sol recouvert de sable, quelques planches de bois de-ci de-là.
Au centre,  un morceau de voie de tramway,  des chaises de bureau pivotantes, fixées dans les traverses, remplacent les traditionnels strapontins et tréteaux.
Les 9 acteurs entrent, se répartissent sur toute la salle.
Nawal est morte, enfermée depuis des années dans un incompréhensible mutisme.
Elle laisse derrière elle ses jumeaux, Jeanne et Simon, aigris et soulagés.
Son notaire Hermile Lebel (Thierry Janssen) découvre ses dernières volontés.
Pour les deux enfants va commencer une sorte de questionnement sur la vie de leur mère et leurs origines.
Chacun est chargé d’une mission, remettre une lettre, qui au père qu’ils croyaient mort, qui au frère dont ils ignoraient l’existence.
Après une crise de révolte contre ce long et inexpliqué silence et ces dernières volontés inexplicables qui paraissent comme un abus, comme une dernière plaisanterie douloureusement révoltante, Jeanne (Jasmina Douieb), la première, commencera Incendiesune recherche qui va la mener à la découverte d’une inconnue, d’une femme très différente de l’image qu’elle avait de sa mère.
Elle entraînera son frère (Itsik Elbaz) dans cette quête quasi mystique et exutoire, qui s’apparentera à la résolution d’un casse-tête complexe dont ils sortiront à jamais bouleversés.
Un retour aux sources qui les mènera dans un pays de guerre éternelle, au sein d’un conflit complexe et sans solution à la découverte de l’horreur, de l’abject, de l’innommable, mais aussi de l’amour.
Chaque pièce du puzzle est jouée devant un public médusé qui plonge lui aussi de drame en incendie, de ruines en destruction, d’abomination en abjection.
Il ne faut cependant pas s’y méprendre, Incendies interpelle et prend aux tripes, mais n’est ni déprimant ni morbide.
Derrière la dureté des propos se cache beaucoup d’humanité et pas mal d’humour (Didier Colfs en sniper par exemple).

Le spectacle est tonique, l’action va d’un coin à l’autre de la salle, entre cris, courses, tirs, confidences, colères.
Georges Lini signe une mise en scène originale, quasi sans accessoires.
Avec quelques bouts de bois, quelques lignes tracées à la craie,  il nous fait passer, sans heurts, du cimetière à l’adolescence de Nawal, là-bas si loin à ses premières amours, son drame intime, sa vie de femme, ses révoltes, ses luttes, son combat. (Où ? nous ne le saurons jamais et cela importe peu.  Mais finalement si probablement plus près de nous qu’on ne voudrait le croire.)
Trois actrices (Hélène Couvert pour Nawal à 19 ans, Bernadette Mouzon à 40 ans et Anne-Marie Cappeliez à 60 ans) pour un même rôle, une continuité qui se mélange pour dresser le portrait tout en nuances et en souffrances d’une femme et d’une mère.
France Bastoen est Sawda l’amie, la sœur, la compagne de lutte.
Xavier Mailleux est le passeur, le messager, le conteur, le révélateur de ce drame immense.
Didier Colfs est le frère inconnu.
Il faut les citer tous, tant ils sont époustouflants de vérité.
Chaque émotion, petite ou grande se lit dans leurs gestes, dans leurs yeux, dans leurs larmes.  Magistral !
Dans cette petite salle, les sentiments rebondissent de mur en mur pour mieux aller droit au cœur.
Pas de répits pour les sentiments, Wajdi Mouawad (l’auteur) les tricote, les torsade, les croise et décroise, il entortille et mystifie le public.
 L’enfance est un couteau planté dans la gorge fait-il dire à plusieurs reprises à ses personnages, une cicatrice indélébile qui les marque tous, plaie à vif dans une chair qui doit souffrir pour grandir, pour découvrir et pour enfin … être tout simplement.
On en ressort muet, silencieux, la gorge serrée, mais en même temps avec au fond du cœur la lueur d’une bougie qui tremblote d’espoir et d’amour de ce qui est, pour moi, une des meilleures pièces de cette saison.

Spectacle vu le 01-03-2007
Lieu : ZUT Zone Urbaine Théâtre

Une critique signée Muriel Hublet

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