Mariage (en) blanc
Espoirs et chimères ...
Il est veuf, carabinieri italien, elle est jeune et immigrée arménienne …
Tout les sépare.
Leur passé, leurs amours, leurs origines, leurs besoins, …
Lui, Franco (Christian Crahay), inconsolable, cherche çà combler sa solitude sans pour autant essayer de faire une petite place à sa nouvelle épouse.
Il l’installe dans ses vieux meubles, dans sa maison où même la poussière ambiante est encore imprégnée de la présence de sa défunte femme.
Il l’impose à ses deux fils (Lazare Gousseau et Guillaume Verstraete), des adultes qui vivent désormais bien loin du cocon familial, mais pour qui le souvenir de leur mère et de sa disparition dramatique est encore bien présent.
Elle, Arevik (Gabriela Aroutiunian), a mis tous ses espoirs dans l’Italie. Elle rêve d’une autre vie, loin de la misère et de la dictature. Dans sa quête désespérée de liberté et d’un avenir plus souriant, elle est prête à bien des compromissions.
Mariage d’amour ? Mariage de raison ? Mariage blanc ? Mariage d’intérêt ?
Ils ont juré en tout cas, pour le meilleur et pour le pire.
Ils ont tous les deux d’excellentes raisons (conscientes et inconscientes) pour s’unir, mais … sont-elles compatibles ?
Le texte de Roberto Cavosi est cruellement actuel. Chaque mot pique au vif, interpelle. Chaque phrase parle d’une situation qui ne laissera personne indifférent.
Arevik et Franco sont un reflet totalement désabusé, mais tristement réaliste et drôlement (im)pertinent de notre société.
Ces portraits très humains, subtilement décrits, d’un homme et d’une femme enfermés dans un carcan de conventions, d’équivoques, d’obligations morales qu’ils auront très difficile à briser.
Il est quasi impossible de rester indifférent à ce spectacle prenant, à cette détresse perceptible, à ce désespoir à fleur de peau.
Entre rires et larmes, la pièce oscille entre commedia dell'arte et drame à l’état pur.
La mise en scène de Pierre Santini est très soignée.
Elle met délicatement en évidence les plus petites inflexions de voix, les moindres fêlures et donne toutes leurs poids aux silences et aux non-dits.
Egaré entre l’épouse présente et l’absente, entre souvenirs sublimés et réalité pesante, taraudé par la rigueur de ses convictions traditionalistes, Christian Crahay est superbe dans ce rôle d’homme désespéré, tiraillé entre ses remords, ses besoins et ses rêves.
A ses côtés, Pierre Santini a choisi deux actrices originaires des pays de l’Est.
Une option très judicieuse qui donne une plus grande crédibilité encore au spectacle.
Cela permet au public rien que par la différence des accents de mieux percevoir l’immensité (parfois très proche) des différences culturelles.
Arevik, l’arménienne est interprétée avec beaucoup de délicatesse et de fragilité par Gabriela Aroutiunian.
Tatiana Bielyszew est son amie russe.
Elle joue un rôle de déclencheur dans la pièce, mais la luminosité et la présence généreuse de l’actrice font qu’on en regrette un peu la brièveté de ses apparitions.
Derrière le drame de la pauvreté et de l’immigration (presque) forcée, c’est aussi le couple qui est (re)mis en question avec l’importance accordée à l’autre.
Mariage (en) blanc est caustique, corrosif et mine de rien, met au pilori une certaine société bien pensante, pleine de préjugés et oublieuse des rêves et de l’amour, frileusement blottie qu’elle est dans sa solitude confortable.
Spectacle vu le 10-08-2007
Lieu :
Festival Royal de Spa (Salon Gris)
Une critique signée
Muriel Hublet
Imprimer cette page
Enregistrer cette page sous format PDF