Le grand soir
Tout semble mal commencerJean-Louis Leclercq cesse ses activités d’humoriste.
Pour la sécurité de l’emploi et assurer l’avenir de ses trois fils, il s’apprête désormais à faire des conférences politiques.
Cette décision mûrement réfléchie, il souhaite la mettre en pratique dès ce soir, et se servir du public, venu assister à un show comique, comme cobaye de ses futurs exposés.
Derrière un lutrin rouge, il va haranguer pour tenter d’ouvrir les esprits à la réalité.
Mais on ne s’improvise pas orateur et dès lors souvent le propos dérape droit dans le vécu de Jean-Louis Leclercq.
Et c’est bien là que réside tout le sel du spectacle, ses digressions drolatiques plongent leurs racines dans une observation pointue de notre quotidien.
il épingle ce qui nous agace superbement comme nos gosses incapables de ranger leur chambre, les posologies des médicaments, abscondes trop longues et impossibles à replier, …
Il fustige le coût de la vie en calculant entre autres le prix de revient d’un DVD loué ou en parlant du salaire du P.D.G. de Delhaize.
Il évoque la démocratie, la sarabande des assesseurs et dénonce tout azimut.
Dans cette valse chaotique très coq à l’âne, certaines choses seront moins parlantes ou jouissives comme l’évocation du film RRRrrrr !!! ou d’une étrange rencontre avec la Ministre de la Culture Fadila Laanan.
Il s’est adjoint un assistant, son voisin Maurice (génial Stéphane Stubbé) qui est tout à la fois comparse, régisseur, pseudo faire-valoir, mais aussi une superbe voix.
Ensemble, dans une complicité bien rodée et grâce à l’œil éclairé de Patrick Chaboud (à la mise en scène), ils nous offriront quelques duos comiques comme Tatayet ou le ballet Béjart.
Mais, derrière les rires provoqués par l’ironie et la pertinence du propos, Le Grand Soir c’est aussi l’émotion et la réflexion.
Jean-Louis Leclercq secoue allégrement le confortable cocotier de notre routine avec un spectacle vivifiant et joyeusement décalé, mais les dernières minutes seront plus prenantes avec une profonde évocation de l’homme et de sa vie rythmée par un trouillomètre interne qui au rythme des sempiternels Tu n’aurais pas du, Tu ne savais pas ?, Tu n’as pas su, et autres Pourquoi tu n’as pas ? jalonne l’existence d’un beau répertoire d’interdits ou de sanctions.
Ne ratez donc pas votre Grand Soir, une jolie série de réflexions persifleuses, subtiles et grinçantes qui ont de plus l’immense mérite d’être (pour la plupart) inédites et le tout quasi sans méchanceté et sans chercher à être blessant.
Une telle originalité rafraîchissante, on en redemande.
Spectacle vu le 20-10-2009
Lieu :
Magic Land Théâtre
Une critique signée
Muriel Hublet
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