La rafle du Vel d'Hiv
Ils sont sept sur scène.
Sept pour un seul homme-enfant.
Sept pour, tour à tour, faire sourdre la rage, la révolte et l’incompréhension d’un gosse de 14 ans qui a vécu le début de l’horreur et qui en porte encore aujourd’hui, plus de soixante ans après les douloureuses cicatrices.
Sept pour Maurice Rajsfus, un petit gamin juif qui raconte un lambeau de son enfance juste avant juillet 42.
Plus qu’un récit, c’est un réquisitoire, une accumulation de faits, de noms, d’images évoquées, de morceaux de discours contre la France et les Français qui ont volontairement et sans guère de gêne, de remords, ni même de peines de justice ensuite ont collaboré à la plus grande rafle humaine qu’aie connu Paris.
Tout commence par une rue, une école, l’évocation du Maréchal Pétain, des jeux de gamins et … l’étoile jaune obligatoire.
Avez-vous jamais porté une étoile jaune sur la poitrine ? demandent-ils d’une seule voix. Et pour mieux choquer, ils vous en donnent une en main, vous la pose sur le cœur. Vous voilà,vous aussi,marqué du sceau de l’infamie juive, symbole visible d’une intolérance larvée.
Vous n’aurez plus le droit d’aller au cinéma, au théâtre, dans les parcs, votre wagon de train ou de métro sera celui de queue. Vos achats se feront entre 16 et 17h quand les étals sont vides. Vous êtes juifs et le pire est à venir …
Viendront ensuite la liste des préparatifs froids et méthodiques, la planification rigoureuse de l’administration française (qui pour une fois fera l’admiration de l’occupant allemand).
Pour en arriver à l’horreur d’un petit matin où Vent Printannier (le nom de code de l’opération) emportera sans ménagements et sans distinction, hommes femmes et enfants juifs pour les entasser dans le Vélodrome d’Hiver.
Les chiffres tombent comme des couperets, froids, glacés impitoyables.
Cinquante bus, 7.000 policiers, 12.000 juifs arrêtés, dont 5000 enfants de moins de 12 ans, parqués comme des animaux, sans boissons, avec des sanitaires insuffisants, sans soins.
Le tout dans l’indifférence générale, la presse ne l’évoquera parfois que plus d’un mois plus tard et dans des termes particulièrement atroces et racistes.
Un texte fort, un jeu de scène sobre.
Pas de grands gestes mélodramatiques ou de fausses larmes, pas besoin d’artifice.
Les sept acteurs soulignent ou renforcent légèrement les mots puissants de Maurice Rajsfus.
Calibrés, millimétrés, sans une virgule de trop, juste pour dire, pour parler d’une injustice volontairement oubliée, pour rappeler, non par devoir de mémoire comme on le dit parfois, mais simplement pour qu’on oublie pas, qu’il est facile de devenir bourreau ou victime et que seule parfois l’épaisseur d’un bout de tissu suffit pour tenter de justifier l’inexcusable.
Sept enfants de tous âges, à peine sortis du conservatoire pour certains ou briscard des scènes bruxelloises pour Gérard Duquet, filles ou garçons, sept silhouettes qui représentent ce que sont devenus beaucoup de survivants des vieux enfants, à l’image de ces nains parcheminés par l’âge, mais que l’on a toujours tendance à considérer comme des adolescents.
Sept voix à l’unisson pour que demain plus jamais ?????
Un spectacle jeune, fait par des jeunes (oui même Gérard Duquet) qui transmettent un message de paix et de tolérance.
Un message primordial à entendre, à écouter et à garder, Un moment entre parenthèse, aussi lumineux qu’une myriade de bougies, qui dans la sombre nuit, face au vent ou à l’orage, sont symboles de vie, d’espoir et de lutte.
Un instant fragile, une lumière à protéger des deux mains pour que jamais l'espérance ne meurt.
Spectacle vu le 29-03-2007
Lieu :
Une critique signée
Muriel Hublet
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