Le Coq combattant ou l'atrabilaire amoureux
Le clown pathétique
Coq amoureux, le plus jeune général en retraite (forcée) de France, ne rêve que de redorer le blason d’une nation qui s’enlise dans une modernité d’une tolérance et d’un le laisser-aller incompatibles avec les notions d’honneur, de respect et de courage qui sont sensées être les emblèmes français.
D’une intransigeance impitoyable envers tous, il se bat contre la gangrène morale représentée par la mollesse, la facilité d’un certain confort, les corruptions de tous genres.
Ses combats féroces sont livrés finalement contre des moulins dans un pays où le vent n’arrête pas de souffler et de les faire tourner.
Ses principes rigides en font une sorte d’inadapté à son propre temps.
Pince-sans-rire, ironique et caustique, il traverse la vie en brandissant ses valeurs comme de valeureux étendards.
Le flambard cache pourtant derrière cette façade bourrue une grande fragilité.
Son mordant et son sens de la répartie ne sont que des barricades pour le protéger d’un mode de vie qu’il n’arrive plus à suivre l’avancée accélérée.
Jean Anouilh dresse un portrait profondément humain et tragique d’un homme qui se cherche et qui se perd.
Le Coq combattant ou l'atrabilaire amoureux est aussi une satire sociale d’une bourgeoisie d’après-guerre en pleine déliquescence et un conflit intergénérationnel entre cette vieille baderne, sa jeune épouse et ses enfants.
Monté sur un plateau tournant, le décor nous permettra de voyager à vue du bureau au jardin.
Pour sa mise en scène, Armand Delcampe a choisi de s’inspirer d’une des phrases de la pièce : La vie, même quand ça a l’air d’être sérieux, ce n’est tout de même que du guignol.
Il mélange les élans dramatiques avec de véritables instants vaudevillesques.
Ce trait volontairement forcé semble parfois déroutant, mais, il a surtout le mérite de nous offrir quelques superbes moments.
Olivier Leborgne, en sentencieux curé de campagne devient ainsi un truculent conteur breton.
Patrick Ridremont, le pédant parisien David-Edward Mendigalès, est tordant dans sa représentation de théâtre moderne.
Marie-Line Lefebvre est cocasse en vieille fille refoulée qui se découvre des instincts amoureux.
Jean-Marie Pétiniot est impayable en vielle baderne au garde-à-vous.
Impossible de tous les citer ou de tout détailler.
Le spectacle de près de 2h50 (avec entracte) réserve son lot d’émotions et de rires.
Inévitablement pourtant, on y notera certains tableaux un peu longuets, mais en mettant en scène le respect vertueux, aurait-il été vraiment indiqué de modifier l’essence même du texte d’Anouilh ?
L’ensemble reste plus que plaisant et derrière la superbe prestation d’Armand Delcampe en Général Ludovic, on retiendra surtout une pièce intelligente, qui offre un vaste panel de sentiments qui va de la souffrance au plus haut comique et qui nous permet de retrouver un auteur qui a laissé derrière lui bien plus qu’Antigone.
Spectacle vu le 02-12-2008
Lieu :
Atelier Théâtre Jean Vilar
Une critique signée
Muriel Hublet
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