Rentrez vos poules
Vous pénétrez dans l’antre des secrets du Théâtre Varia, l’atelier des costumes.
Accrochés un peu partout, vestes, chemises et pantalons côtoient robes, jupes et jupons soyeux.
Au milieu de tous ces frous-frous, une table de maquillage des fauteuils, un bâton d’encens qui brûle et une théière qui fume.
Un écrin très intime où un homme maquillé (Alexandre Trocki) va se raconter, mais va surtout parler, nous parler.
Il va nous raconter sa vie par bribes.
Oncle René, l’espèce de philosophe, vieux célibataire qui adore poser les petites filles sur ses … genoux.
Oncle Mathieu, hâbleur, qui passe son temps à lorgner l’enfant grandissante, à soupeser l’évolution de la petite poitrine avec des commentaires égrillards.
Oncle Bertrand et sa langue envahissante.
La famille y passe, la référence imposée depuis son enfance.
Sa mère muette et souriante, car elle est la pièce rapportée de la famille, juste capable de faire une fille, prête à tous les silences pour une petite place dans le cœur des autres.
Ceux pour qui sa mère s’est sacrifiée, a plaqué sur son visage les stigmates d’un sourire et qui apprend à sa petite fille à faire de même. Celle qui dit : Ferme ta bouche ! à l’enfant (pour l’esthétique ou pour le silence ?)
De toute façon, personne n’en est mort n’est-ce pas ?
Alexandre Trocki nous enveloppe dans une atmosphère feutrée, presque amicale, étrange aussi. Il nous entraîne de confidences en remarques.
Des mots doux, presque tendres, éminemment poétiques, délicieusement ponctués vont nous faire comprendre pourquoi l’enfant est devenue un homme.
Pourquoi en 48 heures, le temps de la chirurgie, elle a construit un personnage différent, viril, mais qui garde sous ses cicatrices le souvenir des plaies anciennes.
Il (elle) a enfin le droit à la parole.
Il n’accuse pas, il ne cherche pas de responsable, il ne culpabilise pas.
Il énonce un fait, tout simplement, et tout doucement devant nos yeux, il deviendra homme.
Un texte profond, écrit spécialement pour l’acteur, qui lui va comme un gant.
Rentrez vos poules est un questionnement subtil sur l’identité sexuelle. Il remet aussi en question le dogme du sexe inné.
Il nous fait comprendre qu’il n’y a pas que la biologie qui compte.
C’est la vie qui nous construit centimètre après centimètre et elle a encore plus facile à nous démolir, à nous transformer, à nous orienter vers d’autres chemins.
Une fascinante interprétation d’ Alexandre Trocki pour un sujet considéré souvent scabreux mais traité ici avec une lucidité tranquille et une pudeur teintée d’ironie.
Prix de la critique 2006-2007 comme Meilleur auteur belge décerné à Virginie Thirion
Spectacle vu le 18-01-2007
Lieu :
Théâtre Varia - Grande Salle
Une critique signée
Muriel Hublet
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