Genova 01
Tout commence par une chanson a capella (interprétée par Rosario Marmol Perez des Olives Noires), un thème poignant, berceuse d’une mère à son fils, aveu et prière à un avenir meilleur pour un enfant qui d’avance est condamné à se battre et à être opprimé.
Le ton est donné, nous entrons dans le grave, le sérieux.
Fi des comédies ou de l’humour, Genova 01 est un réquisitoire contre la violence, contre la mondialisation, contre un certain ordre établi et admis comme tel.
La scène se présente comme un tribunal avec les magistrats, les accusateurs et le procureur (les tenues en moins).
En fond, l’image d’un mur lépreux, lézardé et de simples tables et des chaises pour seul décor. Sans oublier, pour seules touches de couleurs des gobelets de Coco-Cola (une entreprise alter mondialiste je présume ?).
Le récit sera découpé en six phases, le prologue, les 4 chapitres ou journées évoquées et l’épilogue.
Pour étayer, mais surtout pour émouvoir, sensibiliser et rendre compte d’une situation et d’un état d’esprit, chaque période commencera par quelques images d’archives (projetées sur la toile du mur donc pas toujours évidentes à décrypter).
Les premières minutes seront consacrées au témoignage d’une femme sans nom, probablement la mère de Carlo Giulani, ce jeune homme mort à Gênes en 2001, lors des manifestations contre le rassemblement du G8.
Car tout le propos de Genova 01 va tourner autour de ces évènements.
Le prologue nous rafraîchira la mémoire, si nécessaire, sur ce qu’est le G8 et nous présentera les préparatifs italiens pour accueillir cette prestigieuse réunion.
Chaque journée sera ensuite évoquée, les forces en présence seront présentées, les groupements politiques ou apolitiques, les escouades des forces de l’ordre, les personnalités.
Chaque rôle sera défini, les uns et les autres seront situés dans la ville. Chaque fait sera relaté dans une chronologie hallucinante pour en arriver à la mort du jeune Carlo Giulani et des commentaires ampoulés, gênés et mensongers qui ont suivi.
L’épilogue nous entraînera vers le sommet suivant à Cancún et un autre discours.
Pas vraiment d’action donc, juste des interlocuteurs assis, presque figés qui énoncent des faits froidement.
Ils sont décortiqués, analysés dans une contre-enquête qui soulève bien des points d’interrogation, qui éclaire, un peu, des zones d’ombres encore fort obscures aujourd’hui.
Fausto Paravidino (l’auteur) explore les faits, pousse plus à fond l’enquête de surface, gratte le fragile vernis des déclarations officielles pour tenter d’en déceler une autre, la sienne (la vraie ?).
Il veut nous pousser à la réflexion, à la remise en question d’un système rodé depuis des lustres.
Mais ses interrogations restent floues, difficile de savoir ce qu’il veut fustiger la mondialisation ou le gouvernement italien. Les deux sont nettement montrés du doigt, mais sans jamais dégager de vraies responsabilités ou un coupable.
Genova 0.1 est un spectacle-témoignage, les mots sont soigneusement choisis pour être implacables, poignants et révélateurs.
Laurent Caron, Pierre Etienne, Françoise Fiocchi, Frédéric Ghesquière, Rosario Marmol Perez et Naïma Triboulet nous livrent un texte brut, à l’humour par moment très caustique, presque macabre, sans guère de mise en scène.
Pas un geste n’est de trop, rien ne vient rompre cette ambiance lourde et oppressante. Force et conviction sont de rigueur et permanentes.
L’esprit d’équité (et mes pseudo-origines suisses peut-être ?) me pousse à déplorer l’absence d’un avocat de la défense et a, légèrement, regretter cette impression d’avoir assisté à un procès un peu partial.
De plus, dans le déroulement du spectacle, certains schémas ou photos comme ceux des rues ne seraient inutiles pour mieux permettre au spectateur de comprendre et de suivre le récit.
Ces deux remarques n’enlèvent cependant rien à la qualité des comédiens, à leur précision, à leur tranquille persuasion, ni aux recherches pointues et à la pugnacité que l’on perçoit derrière les mots de Fausto Paravidino.
Spectacle vu le 31-01-2007
Lieu :
Théâtre National - Grande Salle
Une critique signée
Muriel Hublet
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