Dialogue d'un chien avec son maître sur la nécessité de mordre ses amis
Une sorte de terrain vague, en bordure de l’autoroute.
Une vieille caravane déglinguée et un fauteuil de cuir avachi et bancal.
Au milieu de tout cela un homme, Roger (Philippe Jeusette), vêtu comme un saltimbanque.
Debout il écoute le trafic et les bruits d’un carambolage.
Surgi un chien (Fabrice Schillaci), frétillant et joyeux avec à la main des enjoliveurs comme preuve de son éclatant succès.
Il a provoqué un accident de plus, il a immobilisé des voitures qui ne pollueront plus l’air de la ville.
Eh oui, les chiens parlent, surtout celui-ci.
Sorte de sage philosophe, il a une vision bien claire et tranchée du monde des humains et de ses contradictions bestiales.
C’est qu’il a pas mal bourlingué, l’animal.
De maître bourreau en papy toutou, d’ivrogne en gourou raisonneur, il en a rongé des os, le bougre.
Fatigué de ses errances, le cleb s’est choisi comme nouveau havre accueillant, le paumé Roger et sa misère.
Mais le solitaire bourru ne l’entend pas de la même oreille et n’a aucune envie de se laisser apprivoiser par le clairvoyant bâtard.
Dans une entreprise de séduction et de rejet, l’homme et l’animal vont s’affronter.
Mais il est souvent bien difficile de distinguer qui est qui.
Pas dans les tenues, mais bien dans les propos.
Où sont l’humanisme, la bêtise, l’instinct et le raisonnement ?
Tout se confond dans un texte insolent, ironique et diablement politique comme sait nous les ficeler Jean-Marie Piemme.
Une joute oratoire à rebondissements et tiroirs, une satire de notre monde étriqué et de sa politique franchement politicarde et rétrograde, voilà ce qu’est ce dialogue bien particulier.
Et à défaut de mordre ses amis, c’est dans le postérieur, trop confortablement installé dans ses habitudes, de notre société que les crocs acérés de Jean-Marie Piemme viennent se planter.
Une seule écoute de ce texte ne suffira pas, il en faudra probablement plusieurs pour tenter dans percevoir tout le sel et l’humour.
La mise en scène de Philippe Sireuil est bien à l’image de l’espèce de roulotte pourrie qui garni le plateau très cirque, flonflons et démesures.
Entre gestuelles clownesques, accessoires comiques tels des oreilles de chien qui se redressent, des bruitages bruyants, des gags, des accents typiques, des pantomimes, c’est toute une panoplie digne d’un grand chapiteau (celui de la vie) qui est mis en œuvre pour ronger l’os de notre quotidien, d’un politicien bourré très Michel Daerden, à un dirigeant musicologue très fraudeur très Georges Dumortier, tout y passe, le pire comme le meilleur de notre société où les chiens à collier de diamants ont plus de droits que les SDF.
On ne change pas une équipe qui gagne, Dialogue d'un chien avec son maître sur la nécessité de mordre ses amis reprend l’équipe de La Forêt, primée par les Prix du Théâtre (Philippe Sireuil et Catherine Somers) avec ses deux acteurs fétiches : Philippe Jeusette et Fabrice Schillaci.
Le duo fonctionne comme de manière idéale, sorte de Laurel et Hardy, ils vont cahin-caha sur le sentier de l’humour et de la vie (de chien ?).
Maître et cabot, bras dessus dessous, on croirait voir une image de Roba,le duo Boule et Bill qui s’en va vers un horizon, espérons-le, souriant.
Spectacle vu le 25-10-2007
Lieu :
Théâtre National - Grande Salle
Une critique signée
Muriel Hublet
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