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Kids
Il est né le divin enfant …
KidsSi les hautbois et les trompettes résonnent à la naissance comme dit le chant de Noël, que devient ensuite le chérubin ?
Qui le sait ?  Qui peut le prédire ?
Quelle place aura-t-il dans le monde ?
Bien que la question puisse aussi se poser autrement, quel monde les adultes d’aujourd’hui laissent-ils aux adultes de demain, à nos ados de maintenant ?

On s’insurge face à leur violence surmédiatisée, on ne comprend rien à leurs révoltes, on hurle au moindre faux-pas.
On parle de victimisation, d’abus, de démence, on ne comprend pas qu’on puisse poignarder pour un MP3, flinguer une série de copains de classe ou tuer pour une cigarette refusée ?
Brutale et dangereuse la jeunesse d’aujourd’hui ?

Le Théâtre de Poche proposent une série de réflexions et parfois d’explications sur ces questions, même si ce n’est pas vraiment des réponses, il offre des pistes.
Kids, un texte collectif écrits par de jeunes acteurs à peine sortis du conservatoire.
Quasi encore ados, ils évoquent qui sa vie, qui ses impressions, qui ce à quoi il a assisté ou subi.
Ces témoignages parfois un peu hétéroclites ont été rassemblés, faufilés à grands points lâches par Olivier Coyette pour devenir un spectacle complet et complexe.  PietroKids Varrasso s’est lui chargé de canaliser les énergies et de créer une mise en scène cohérente.
Mais l’un comme l’autre, s’ils ont peut-être adoucis l’un ou l’autre angle, n’ont pas réussis à atténuer la force du propos.

Six jeunes sont sur scène et expriment leurs vies.
Un pluriel bien nécessaire car chaque jeune est différent : la complexée, la débridée, le bon pote, le gros, la violée, le souffre-douleur, l’incompris, la victime, …
Par bribes, visages nus le plus souvent, parfois masqués pour les mots qui touchent, qui dévoilent l’intimité blessée, ils font bien plus que jouer… Ils SONT cette jeunesse incomprise, perdue, égarée, sans espoir, en totale désespérance, qui se cherche un sens, un but.
Ils ne veulent plus être un rouage formaté, téléguidé de la société qu’ils ont reçue en héritage.  Face à ce cadeau empoisonné, ils usent un seul moyen pour se faire entendre : la vérité.
Brute, amère, sans trucage, violente, abjecte, odieuse, sanglante, cruelle, vicieuse, ils nous entraînent à sa suite dans une descente aux enfers … la leur.

En criant Chacun sa merde, c’est la leur qu’ils nous jettent au visage et ça pue !
S’il sera à certains difficile parfois de comprendre ou à d’autres d’admettre cette détresse, impossible de ne pas l’entendre.
Car c’est à grands bruits, à force de coups, de larmes, avec une gestuelle volontaire outrancière, presque odieuse parfois, qu’ils cassent le globe, la cloche sous laquelle trop souvent on les isole.

Il y a eu Mai 68, très à la mode en ce quarantième anniversaire, mais les sexagénaires arracheurs de pavés de l’époque se sont assis, fatigués par les ans, les brûleuses de soutien-gorge pleurent pour fourguer la pilule à leurs gamines.
Que reste-il de tout cela ?
Des souvenirs nostalgiques ?
Quelques regrets ?Kids

Prémonitoire ou non, Kids préfigure un danger. 
Le dilemme dans lequel notre jeunesse est plongée est immense et sans espoir de réponse acceptable pour beaucoup d’entre eux.
Que leur reste-il alors ?
Le suicide ?  Une nouvelle apocalypse ?

Impeccables dans leur travail de comédiens, Fabrice Adde, Vincent Cahay, Simon Drahonnet, Jérémy Gendrot, Anabel Lopez et Séverine Porzio sont à voir et à écouter absolument tant leur message est fort et prenant.
Il en irritera certains, fera enrager d’autres, mais comme une bouée lancée sur l’océan sombre et houleux de l’incompréhension peut-être sera-t-il perçu ?
En tout cas, un premier pas est franchi, c’est sur scène, c’est joué, crié, hurlé.
Excessif, violent, brutal, rude, les adjectifs ne manqueront pour qualifier Kids.
Mais le silence concentré, les mines tendues des spectateurs, leurs corps penchés en avant, leur attention constante est peut-être la plus belle preuve que ces Kids existent … enfin.

Spectacle vu le 15-04-2008
Lieu : Théâtre de Poche

Une critique signée Muriel Hublet

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