Noces de sable
A nos gestes manqués
Un homme et une femme.
Chacun sur sa chaise, enfermé dans sa solitude et face à nous deux êtres désespérés, au bord du suicide.
Voilà dressé en quelques mots les prémices de cette comédie douce-amère signée Didier van Cauwelaert.
Sylvie déprime depuis qu’elle a été larguée par son ex.
Romancière à succès, c’est la panne sèche.
Plus d’inspiration, le vide, le néant, le gouffre de la page blanche.
Elle insère une petite annonce pour trouver un jardinier.
Elle rencontre ainsi Bruno, un homme paumé qui ne vit que dans le souvenir de sa femme qui l’a généreusement laissé tomber comme une vieille chaussette au profit de son patron, riche et avec un yacht en Méditerranée.
Elle l’engage pour remettre en état le jardin de sa maison du bord de mer.
Une occasion prétexte, car le jardinet s’avère être une étendue de sable.
Elle a choisi Bruno comme muse au masculin et va se tisser entre eux d’étranges liens.
Mais la muse va-t-elle se laisser manipuler ?
Bruno se contentera-t-il de ce rôle d’homme-objet ?
Gestes manqués, demi-confidences, silences révélateurs, manipulations, tendresse, …
Les deux paumés vont se chercher, se fuir, se craindre, se tenter, s’offrir, se refuser dans un lent ballet presque intimiste.
Le metteur en scène Jean-Luc Duray a opté pour un décor très neutre, intemporel, universel pour mettre ses acteurs hors du temps, hors des contingences matérielles.
Discrètement, il souligne le tout avec une lumière discrète, presque complice.
Il laisse ainsi la part belle à ses interprètes.
Chaque regard, chaque mouvement est unique, comme un tout et vaut autant que mille mots.
Eric Décarpentrie est Bruno, l’homme bourru, le paumé qui se cherche.
Du maladroit, hésitant et taiseux des premières scènes, il va évoluer tout en finesse vers un homme sensible, blessé qui ne demande qu’à être apprivoisé, à réapprendre à aimer.
Jacqueline Préseau est Sylvie.
Manipulatrice, froide en apparence, elle se drape dans son écriture pour se protéger, pour ne plus s’attacher.
Comme un bouclier, elle met son roman en avant pour mieux connaître Bruno.
Et pourtant petit à petit les fissures apparaissent.
Ils signent tous deux une performance intéressante.
Ils donnent l’impression au fil du récit d’être deux blocs de glaise informe qui se modèlent sous nos yeux, s’affinent, se libèrent de leur carcan pour révéler deux personnages attachants.
Ces deux sculptures sur sable prendront-elles vie ? Résisteront-elles aux assauts du vent et à l’avancée de la marée ?
A vous de le découvrir.
Spectacle vu le 01-02-2008
Lieu :
Théâtre de la Flûte Enchantée
Une critique signée
Muriel Hublet
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