Atteintes
Un bureau aux murs sombres.
Au fond, le mobilier fixé rigidement.
Au sol deux tabourets roulants.
À défaut d’une rue déserte soufflée par le vent et traversée par des volutes de poussière et en arrière-fond la musique d’Ennio Morricone, nous voilà sur un ring façon moderne (les cordes sont remplacées par ces plinthes de bois, peintes en couleur saumon) pour rendre bien perceptible ce lieu quasi clos où vont s’affronter dans un duel psychologique deux femmes.
Océane (Jessica Gazon), psychologue fraîchement diplômée, femme-enfant, sensible, fragile, en manque d’amour, a déjà vu sa courte vie émaillée de bien des drames.
Sa mère s’est suicidée et elle a bien du mal à s’en remettre.
Tentative de comprendre, souhait pieu d’éviter à d’autres de subir le même cauchemar, la voilà qui va travailler dans un centre de prévention (téléphonique) du suicide.
Son mentor sera Anissa (une superbe prestation de Véronique Dumont).
Souriante, sympathique, mais surtout cynique en diable, elle a des opinions sur tout et plus particulièrement sur les hommes.
Retorse, elle va prendre de plus en plus d’influence sur sa jeune collègue.
La pièce veut mettre le harcèlement moral en avant, le montrer, le démonter et en faire percevoir tous les rouages.
L’auteur et metteur en scène, Cécile Boland, a opté pour l’évidence, le ridicule et le cliché.
Elle grossit volontairement le trait, caricature allègrement la situation, pourtant pas si exagérée que cela, pour tenter de sensibiliser derrière l’ironie flagrante.
(Lisez les prospectus disponibles à ce sujet dans le foyer de l’Atelier 210, les chiffres sont édifiants.)
Un choix qui se respecte et qui permet au spectateur de vivre la pièce sur plusieurs niveaux.
De prime abord, on ne peut s’empêcher de rire ou de sourire des inventions insidieuses de la machiavélique Anissa.
Efficace dans sa démence destructrice, elle étouffe sa jeune victime, l’isole, la pousse dans ses derniers retranchements.
Mais, l’ensemble est tellement forcé qu’on a l’impression de voir une araignée tisser sa toile autour d’une mouche.
On assiste en spectateur à une scène digne d’un reportage sur les insectes au Jardin Extraordinaire, les commentaires en moins.
Pour se sentir impliqué dans le drame du harcèlement, il faut donc se sentir concerné (et victime ?) pour dépister la profondeur (trop) soigneusement cachée derrière l’humour simpliste des situations évoquées.
Et pourtant, en y réfléchissant un peu, en grattant derrière la façade, on aperçoit pas mal de belles esquisses et une recherche et une implication bien plus profondes qu’il n’y paraît de prime abord.
Comme cette comparaison de la vie au vol et à la chute d’un léger kleenex.
Comme cette poubelle qui se remplit au fil des jours de mouchoirs de papier, comme toutes les petites phrases pertinentes et pointues ou les métaphores profondes et pertinentes, qui émaillent le discours des deux femmes, mais qui trop souvent se perdent entre deux réparties plus rieuses.
Dommage donc pour le côté sensibilisation, il est un peu loupé.
Mais le côté comédie de mœurs lui reste plaisant et finalement innovant.
Si les extraits de conversations téléphoniques qui servent d’intermèdes entre les différentes saynètes de ces deux mois de cohabitation forcée entre le bourreau et sa victime sont un peu lourds à la longue, on restera captivé par ce jeu piquant et mortel entre une chatte ronronnante aux griffes acérées et une pauvre souris tremblotante.
Avec au fond du cœur cette désagréable sensation… Que n’ai-je pas risqué en faisant mes confidences à mes collègues de bureau.
Un petit frisson glacé au creux du dos et quelques rires, ce sont les Atteintes de ce spectacle curieusement amoral
Et vous de quoi serez-vous atteint ?
Spectacle vu le 07-11-2007
Lieu :
Atelier 210
Une critique signée
Muriel Hublet
Imprimer cette page
Enregistrer cette page sous format PDF