84, Charing Cross Road
Le mail et le SMS sont devenus nos moyens d’expression.
Combien se souviennent de la dernière fois où ils ont pris plume et papier pour écrire ?
Récemment ?
S’agissait-il d’une missive amicale ou d’une revendication à votre receveur des impôts ?
Le courrier échangé n’est désormais quasi plus qu’administratif.
Même les cartes de vœux tombent en désuétude.
Créer, en Belgique, un spectacle qui n’est qu’un échange épistolaire pouvait donc paraître étonnant ou risqué.
Bernard Yerlès gagne pourtant haut la main son pari en adaptant 84 Charing Cross Road.
L’Américiane Helene Hanff a laissé publier, dans les années 70, sa correspondance avec un libraire londonien.
Commencées en 1949, les commandes d’un client à son fournisseur prennent très vite un ton plus personnel.
L’amitié grandit entre ces deux inconnus que sépare l’atlantique.
La scénariste fauchée, extravertie et extravagante, amoureuse des classiques anglais introuvables à New York, va raconter sa vie, ses déboires, râler voire même engueuler son correspondant, employé chez Marks & Co une librairie spécialisée dans les livres anciens et les secondes mains.
Réservé, pointilleux et doté d’un joli brin d’humour, le flegmatique anglais, un peu collet monté, Franck Doel va lui aussi se départir son côté so british pour nous offrir des mots touchants ou drôles, mais profondément humains.
Ils partagent aspirations, rêves, famille, vie et mort.
L’envie de visiter Londres, la nouvelle voiture, les premières vacances, l’entrée en maison de repos de la voisine, le sujet du prochain scénario, le rationnement, les soins dentaires, le couronnement d’Élisabeth II…
On se sent presque voyeurs, espions indiscrets des confidences de deux amis reliés par l'amour des livres et, qui sait, par un sentiment plus profond qui ne se concrétisera jamais par une rencontre.
Sur scène, Laetitia Reva et Philippe Bombled font merveille dans une interprétation très fine et juste qui donne vie et corps à deux personnages délicieusement savoureux.
La scénographie, soigneuse et soucieuse des détails, de Benoît Cogels et Bernard Yerlès divise l’espace en deux, une grande partie pour la boutique, ses nombreuses étagères et ses piles de livres, de l’autre une petite chambre de bonne pour l’appartement d’Helene Hanff.
L’ensemble réaliste et diantrement réussi est l’écrin idéal à cet échange épistolaire, à la naissance de cette amitié et à son mûrissement.
La mise en scène attentive et précise de Bernard Yerlès fait de 84 Charing Cross Road un chaleureux et attachant concentré d’émotions, un peu comme une lettre au papier jauni, que l’on conserve soigneusement, un souvenir nostalgique que l’on chérit précieusement.
Spectacle vu le 13-01-2010
Lieu :
Théâtre du Méridien - Salle Nord
Une critique signée
Muriel Hublet
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