4.48 Psychose
Pénétrer dans l’étrange …
C’est un peu l’invitation que vous lance l'Océan Nord avec 4.48 Psychose de Sarah Kane.
C’est un appel à entrer dans un monde épuré, fait de pensées, d’impressions, de souffrances et de solitude.
Le public est accueilli et invité à participer à un banquet d’idées parfois désordonnées, à un ballet étrange où la vie valse avec la mort, au son lugubre des idées noires, bercé par une sombre, mais sublime poésie.
Loin d’être indigeste comme on pourrait le croire en entendant évoquer la folie ou la psychose, ce portrait d’une femme enfermée dans ses peurs, son isolement maladif, qui cherche vainement amour et amitié, reconnaissance et main tendue est poignant, attachant … magistral.
Le milieu médical, représenté par les propos lénifiants des soignants, la litanie des essais médicamenteux ou des divers symptômes de la patiente, va alterner avec les souvenirs, la colère et la révolte exposés sous une forme plus théâtralisée.
Sur cette scène très ouverte, deux comédiennes, Véronique Dumont et Catherine Salée, toutes de blancs vêtus, sont la malade, le médecin, les pensées qui bruissent, résonnent et rebondissent dans l’espace clos de l’esprit de Sarah Kane.
Il faut, pour mieux percevoir encore le texte, savoir que 4.48 Psychose est le dernier écrit de l’auteur, terminé quelques jours avant son suicide. Considérée comme une sorte de testament, de lettre explicative par beaucoup, elle est surtout une vibrante interrogation sur soi-même ?
Le texte est rempli d’humour et de dérision, divisé en 24 parties, il comprend sept dialogues et des morceaux plus hermétiques qui pourraient s’apparenter à des délires, mais qu’Isabelle Pousseur (qui signe la mise en scène et qui est là comme une ombre grise, présente, planante, silencieuse entre les deux comédiennes) a réussi à rendre d’une manière presque naturelle et imaginative.
La particularité voulue de ce spectacle est son alternance, chaque soir, les deux comédiennes permutent leurs rôles.
Nous avons assisté à la superbe prestation de Véronique Dumont en Sarah. Catherine Salée ne démérite pourtant en rien, mais son rôle plus discret, bien que tout aussi difficile dans certaines scènes, fait qu’on est moins touché par ses qualités de jeu.
Le public reste quasi figé, immobile suspendus aux mots, sensible aux vibrations subtiles qui frémissent autour de lui.
Pas un bruit, pas un murmure, pas une toux, rien.
4.48 Psychose est un texte fort, très fort, à écouter avec le coeur, à percevoir avec les tripes.
Déstabilisant, par son propos, par les interrogations qu’il recèle, par les questionnements qu’il provoque, il sidère littéralement.
À tel point, que le plus bel hommage à Sarah Kane et aux deux comédiennes est, peut-être, la manière dont le public quitte la salle, très lentement, silencieux, encore tout secoué par l’émotion perceptible qui l’a étreint de bout en bout.
Spectacle vu le 27-03-2008
Lieu :
Théâtre Océan Nord
Une critique signée
Muriel Hublet
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