Le Gris
Un homme (Angelo Bison) parle, se raconte.
Il a tout plaqué, femme, enfant, maîtresse pour venir s’isoler dans une petite maison en dehors de la ville.
Une retraite voulue, une solitude recherchée, une fuite de tout ce qui fait la société : sa vulgarité, ses bruits, ses sonneries intempestives, sa télévision…
Mais est-on jamais vraiment seul ?
Pas lui, en tout cas, son espace vital, sa liberté chèrement reconquise est grignotée insidieusement par Le Gris … un rat.
Il va parer cet animal de tous les vices et va entreprendre une chasse qui frise l’obsession.
De même, sur scène, il est discrètement accompagné de trois musiciens (Sébastien Boisseau, Jean-Yves Evrard et Olivier Thomas). Pour amplifier l’étrange relation homme-rat, ils font retentir des sonorités étranges, des voix profondes sorte de bruits de pattes fugaces d’une bestiole qui court sur un plancher, mais aussi comme ceux moins perceptibles de l’âme qui craquelle sous le poids de l’introspection.
L’apparition de silhouettes et de visages flous sur la toile grise de la maison-esprit hantée par le rat renforcera encore cette impression intrigante d’être en réalité et inconscient.
Etrange ?
Peut-être !
Surprenant, attendrissant et séduisant certainement.
La mise en scène de Pietro Pizzuti est volontairement simple, épurée.
Elle met l’homme et son propos en relief.
Assis dans son vieux fauteuil élimé, il tente de maintenir ensemble les murs de sa vie.
Parcourant la scène à grands pas, il chasse l’affreuse bête de poils gris à coup de pièges, de pilules, de colle et autres artifices tout aussi spécieux.
C’est un régal de voir Angelo Bison mimer, sans jamais forcer le ton, ce safari domestique qui va du frigo au bureau en passant par la salle de bain.
Le Gris nous ne le verrons jamais.
Réel ou imaginaire, nul ne le sait vraiment, sauf peut-être, les auteurs italiens, Giorgio Gaber et Sandro Luporini.
Bestiole sournoise, ennemi génial, monstre dégoûtant ou simplement invention d’un esprit torturé Le Gris est surtout un excellent monologue, sublimé par l’interprétation tout en puissance et en nuance d’Angelo Bison.
Un Gris sensible et attachant qui peint notre Gris personnel de tendres couleurs pastel.
Spectacle vu le 08-10-2007
Lieu :
Rideau de Bruxelles
Une critique signée
Muriel Hublet
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