Les femmes, entre elles, ont la réputation d’être des garces impitoyables.
Hard Copy ne vous fera pas changer d’opinion.
Un bureau dans une grande société.
Quatre femmes, quatre secrétaires, quatre collègues, quatre vies, quatre familles, et une multitude de problèmes.
Voilà le portrait d’un local sans hommes, … en apparence.
Maris et directeurs sont bien présents dans les conversations de ces dames : maquillage, vêtements à la mode, enfants, gymnastique, régime, déroulement du week-end, prouesses sexuelles, patron, drague, promotion canapé, …
Tout y passe entre confidences, vantardises et jalousies.
L’auteur, Isabelle Sorente, dresse le portrait grinçant de femmes soumises aux diktats de la mode, du paraître, de la concurrence au travail et des besoins de la famille.
Elle dessine l’image de Wonderwomen ou mieux elle esquisse, à grands traits expressifs, ce que l’on attend de la femme : être tout à la fois performante travailleuse, maman exemplaire et … putain !
Y a-t-il trop de pression sur leurs frêles épaules ?
Les belles façades vont éclater et laisser apparaître des sadiques malveillantes, des péronnelles infâmes qui vont se liguer contre une des leurs, la pousser dans ses derniers retranchements.
Trois d’entre elles vont se livrer à un acte gratuit, purement malveillant qui se résume en une déconstruction systématique et sans miséricorde d’une autre, d’une ennemie potentielle.
La victime se retrouve en pleine confusion.
Elle ne comprend rien au changement d’attitude spontané de ses collègues et cherche des explications.
Elle finira même par se sentir coupable, se remettre en question et douter d’elle-même.
Isabelle Sorente a écrit un texte fort, une représentation cruellement réaliste d’un impitoyable Dallas féminin.
Doté d’un humour cynique, le propos interpelle, choque et séduit tout à la fois.
La mise en scène de Babetida Sadjo est attentive à maintenir cette ambiance oppressante.
Elle a vêtu ses quatre comédiennes à l’identique, elle a opté pour un maquillage similaire, une coiffure presque jumelle, pour créer des clones féminins, assises derrières des bureaux pareils, sur des chaises de même couleur.
Elle crée ainsi une impression d’uniformité, de standardisation déshumanisée.
On lui reprochera peut-être un petit manque de réalisme dans le choix du matériel de travail, guère en adéquation avec les techniques modernes actuelles.
Les dix dernières minutes (sur un spectacle d’une heure) en étonneront plus d’un.
Le texte, logique et presque prévisible tout du long, qui pousse la victime vers le suicide bascule subitement pour transformer les bourreaux femelles en louves sanguinaires, en meurtrières assoiffées de sang qui se réfugient derrière une politique cohésive de groupe.
Personne ne contestera l’effet pernicieux que peut avoir cet esprit de groupe, créé par certaines entreprises, parfois de toutes pièces et à grand renfort de matraquage psychologique sur des personnalités fragiles.
Ce virage à 180° d’Isabelle Sorente détonne et fait paraître déplacé, voire choquant ou inconcevable, cette subite apparition de trois bêtes assoiffées de sang par rapport à la logique tristement crédible du début du spectacle.
Ce bémol, heureusement, n’empêche pas le harcèlement moral d’être tristement crédible, amèrement réaliste et très bien rendu sur scène.
Spectacle vu le 24-01-2008
Lieu :
Lumen
Une critique signée
Muriel Hublet
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