Le Bon Dernier
Anachronique, c’est peut-être le premier mot qui vient à la bouche quand on voit entrer Baudouin Jadoul dans la cuisine de son presbytère.
Un vieux curé de campagne, bougon et solitaire, une sorte de Don Camillo de nos Ardennes, cette première esquisse va pourtant s’affiner au fil d’un monologue d’une nonantaine de minutes.
Sous la soutane se dessine la silhouette d’un homme fruste, mais bon vivant.
Transparaît ainsi un être complexe, tout à la fois un grand enfant qui apprécie la neige et Tintin et un isolé qui s’étonne des marques d’affection reçues, habitué qu’il est à la seule compagnie de son chien. (On ne m'embrasse pas beaucoup, si ce n'est Vagabond qui me lèche souvent. Mais c'est pas pareil).
Il traverse son siècle avec un bon sens bourru et fréquente sans problème le socioculturel communiste ou l’Arabe du village.
Chez lui, pas de préjugés, mais une grande tolérance qui ne l’empêche pas de s’amuser des travers de ses ouailles, sa bonhomie naïve lui permet de sans cesse continuer à s’émerveiller de tout.
Pour lui, Lourdes est le bout du monde et les technologies comme le four à micro-ondes, le dépassent.
Humainement pourtant, il est loin de l’être. Sa simplicité généreuse le fait apprécier de tous, même si lui-même semble avoir difficile à montrer de l’affection.
Avec Dieu aussi, il hésite, à la fois gamin malicieux qui s’octroie un morceau de chocolat ou une lichette de bière, mais également respectueux voir craintif. (J'ai difficile de parler à Dieu. D'abord, je n'ose pas le regarder en face, je regarde toujours le bout de mes souliers.).
Léonil Mc Cormick confère à ce prêtre de campagne, une stature et une étoffe qui rappellera aux plus anciens le Monsieur le Curé de leur jeunesse.
Le texte de Pierre Guyaut-Genon nous propose la vision d’un homme et de ses propres contradictions.
Une fois la porte refermée, dans l’intimité, il se révèle, comme tout un chacun, complexe, contrasté, avec également des besoins et des sentiments.
S’il se doit de cacher tout cela sous les plis de sa soutane, s’il se doit de représenter l’Église et de maintenir celle-ci au milieu du village, il n’en est pas moins homme et surtout un personnage haut en couleur.
C’est ce personnage que la gouaille de Léonil Mc Cormick (sous la direction de Xavier Letroye) excelle à rendre.
Jeune ou vieux, croyant ou non, impossible de ne pas se délecter des pensées de ce curé de campagne trognon, attachant et truculent. Un homme dont on aurait tendance à dire : le dernier d'une race en voie de disparition.
Spectacle vu le 08-08-2010
Lieu :
Festival Royal de Spa (Salon Gris)
Une critique signée
Muriel Hublet
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