Un Homme est un Homme
Un globe suspendu et un cercle de sable pour représenter l’enfermement de certains citoyens du monde.
Prisonniers de leur misère
Sur scène, trois Africains crient leur détresse et leur révolte.
Dans leur pays, ils ne connaissent que la misère d’une existence sans perspectives.
Devant eux miroitent les richesses de la vie en Europe.
Entre eux et ce rêve, il y a l’abandon de la famille, et surtout de la mère si importante à leurs yeux, et les aléas du voyage.
Les portes du paradis européen sont solidement cadenassées, il faut donc frauder pour y entrer.
Les passeurs avec leurs cortèges de vols et d’extorsions, les trajets dans des camions brinquebalants, l’embarquement sur de fragiles embarcations, les errances dans le désert sont le sort de ceux qui s’appellent les migrants (mais que beaucoup ici surnomment les clandestins ou les sans-papiers).
Une fois arrivés sur la terre promise, ce n’est pas pourtant l’Eldorado.
Les centres fermés, la mendicité, la solitude, les basses besognes, la débrouille et la nécessité d’envoyer de l’argent là-bas au pays pour montrer que l’on a réussi deviennent leur lot quotidien.
Entrés sans visa, ils vivent dans la crainte de l’expulsion, mais aussi avec la quasi-certitude de ne plus jamais revoir leurs proches.
Confrontés à une autre culture, ils doivent s’adapter, oublier leur passé, se glisser dans le moule d’une vie qu’ils ont espérée autrement plus belle que leur réalité journalière.
Basé sur une série de témoignages et écrit par René Georges (avec la collaboration d’Olivier Coyette) Un Homme est un Homme donne la parole à trois d’entre eux (Afazali Dewaele, Ansou Diedhiou et Charles Wattara).
Au travers de leurs récits, de leurs douleurs et de leur volonté d’un ailleurs meilleur, c’est la vision de nos pays protectionnistes et paternalistes (les extraits du discours de Nicolas Sarkozy en sont une preuve évidente) qui en sort ébranlée par tant de foi naïve, par tant d’espoirs déçus.
Spectacle coup de poing, Un Homme est un Homme dénonce notre égoïsme frileux, notre repli sur soi, notre ignorance des autres réalités, notre peur de l’autre et de la différence.
Tant le texte que la mise en scène (signée René Georges et Salifou Kientega) mettent clairement en évidence ce phénomène de refus et de rejet de ces hommes, de ces femmes et de ces enfants venus d’ailleurs.
Empli de symboles (principalement grâce à la scénographie de Dao Sada et Olivier Wiame), d’images fortes, de mots prenants, de phrases dures, mais criantes d’évidence, de larmes amères, de douleurs poignantes, le spectacle généreux s’égare quelque peu comme avide de tout dire, de tout révéler, de porter sur tout et sur tous un doigt accusateur, de pousser tout un chacun à la prise de conscience, à la compréhension et au repentir.
Par instants trop didactique, confus ou sentencieux, Un Homme est un Homme atteint néanmoins sans ambiguïté ses buts.
Il nous sensibilise (au moins pendant les 90 minutes de la pièce) sur une question cruciale pour l'avenir de l'Homme.
Il pose audacieusement de redoutables questions.
Oserons-nous y répondre?
Sans nom, sans passé, sans domicile, sous-hommes, hommes poubelles, déchets de l’humanité, quel est leur devenir ?
Entre les droits de l’Homme et notre propre confort sécuritaire, nous n’hésitons guère à fermer les yeux complaisamment.
Mais qui seront les migrants de demain ?
Et si c’était nous ?
Spectacle vu le 02-06-2010
Lieu :
Théâtre de Poche
Une critique signée
Muriel Hublet
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