Moins Deux
Une chambre d’hôpital, deux lits, deux hommes, deux inconnus.
Leur point commun : le verdict que vient de leur asséner leur médecin.
Le cancer et les métastases sont vainqueurs.
Jules Tourtin (Gérard Duquet), septante-deux ans, a les reins totalement pourris et un sursis d’une quinzaine de jours.
Paul Blanchot (Léonil Mc Cormick), septante-trois ans, se voit créditer d’une semaine seulement, tant ses poumons sont en capilotade.
Face à l’inéluctable, les deux petits vieux décident de vivre librement et autrement leurs derniers instants.
En pyjama, pantoufles, avec ou sans pied à perfusions (question de discipline), les voilà au bord de la route, le pouce levé dans l’espoir de creuser une grande distance entre la clinique, cet univers qui ne pense qu’à les broyer et eux.
Dans un drolatique et attendrissant papy’s movie, les deux compères vont se retrouver face à eux-mêmes.
Ils devront affronter leur passé pour enfin pouvoir vivre leur mort.
Sur le chemin, ils feront des rencontres surprenantes ou improbables.
Chacune sera l’occasion de replonger dans ses souvenirs et de régler leur compte à la solitude et au manque d’amour.
Le texte de Samuel Benchetrit, très contemporain, est sensible, sobre, pudique et bourré d’un humour décalé.
Il a créé deux pitres débonnaires et placides aux propos décapants.
Au fil des saynètes, savoureux, cocasses et complices, Gérard Duquet et Léonil Mc Cormick s’en donnent à cœur joie entre facéties et confessions prenantes.
Difficile de résister au premier, oublié par ses enfants et qui tente d’excuser leurs absences, ni au second qui avoue sa fuite face à la grossesse de sa compagne et la solitude qui a peuplé le reste de son existence.
À leurs côtés, Benoît Strulus et Mathilde Mazabrard se glisseront dans tous les autres rôles.
Du toubib glacial au suicidé trempé comme soupe pour le premier, de la future accouchée à la vamp du dancing pour la seconde.
Efficace, le jeu des deux jeunes comédiens est tout aussi séduisant que celui de leurs aînés.
Dans une scénographie simplifiée, composée de deux praticables et quelques tabourets, Olivier Leborgne dirige efficacement sa petite troupe.
Sans un geste de trop, avec un juste ton qui ne verse ni dans la grosse farce ni dans le pathos, il laisse le public savourer les frasques de ce duo rocambolesque fait d’un bourru sensible et d’un discret et lucide naïf.
Si le scénario prend pas mal de libertés avec la vraisemblance et la linéarité, tout le plaisir de Moins deux réside dans les disputes, les gamineries, les évocations attendrissantes de ces pépés au grand cœur.
Un spectacle qui se déguste comme du petit lait, chaleureux, généreux et complice.
Même s’il parle de la mort, Moins deux ne tombe pas dans la sinistrose.
Bien au contraire, subtil et incisif, le texte évoque l’amitié, l’amour et la vie avec beaucoup d’émotion et une belle dose d’humour décalé.
Ajoutez-y le bucolique des lieux et l’efficacité du duo Mc Cormick-Duquet et vous aurez un rendez-vous théâtral plaisant, sympathique qui vous fera passer une centaine de minutes de détente.
Spectacle vu le 26-02-2010
Lieu :
La Valette
Une critique signée
Muriel Hublet
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