Mais c’est la télévision qui sort la première du carton.
Les Américains sont aux portes de l'Irak.
La valse des reportages va envahir l’écran.
Les dauphins poseurs de bombes, l’avancée des différents bataillons, l’encerclement de Bagdad, l’incendie des puits de pétrole, les attentats suicides commencent à rythmer la vie de l’homme.
Rogerio devient comme hypnotisé par les évènements, par les infos débitées de manière incessante par les chaînes d’information.
Gloria refuse cette intrusion et critique âprement la personnalité va-t-en-guerre de Georges W Bush.
Le texte d'Abel Neves épingle l’attrait morbide provoqué par l’actualité sanglante et notre capacité à ingurgiter des images de corps déchiquetés, de charniers et autres atrocités.
Il y oppose habilement notre dégoût de voir dépecer un lapin.
Mais au-delà de cette influence de la télévision sur nos vies et nos comportements, c’est nos réactions face à l’inéluctable qui sont mises en évidence.
Rogerio est accro au bilan des victimes américaines et irakiennes, mais paradoxalement semble insensible (en apparence) à la maladie (probablement incurable) de Gloria.
Je ne suis jamais allé à Bagdad expose de manière piquante et sensible la difficulté avec laquelle nous exprimons nos sentiments, notre incapacité à communiquer.
Habilement, la pièce nous fait percevoir, derrière un dialogue contemporain, l’importance destructrice des silences, des non-dits. Elle explore adroitement, par-delà la légèreté apparente du propos, les profondeurs et les méandres de l’âme humaine.
La scénographie de Juliette Fassin, simple et sobre, mais inventive crée un écrin modulable pour la mise en scène efficace de Marcel Gonzalez.
Il dirige efficacement ses deux acteurs en leur offrant ainsi de belles occasions de montrer les différentes facettes de leur jeu.
Myriem Akheddiou se révèle sublime en Gloria, une femme qui en se cramponnant au trivial du quotidien, tente de se maintenir à flots et recherche l’appui de son compagnon pour ne pas sombrer dans la peur panique que lui cause sa maladie.
David Leclercq réussit à faire transparaître toute la difficulté d’oser exprimer ses sentiments.
Bourru et distant, il se raccroche à son téliviseur pour éviter de dévoiler toute la fragilité d’un homme qui s’efforce de masquer son malaise, son impuissance et son incapacité à faire face à la détresse de Gloria.
Spectacle vu le 24-02-2010
Lieu :
Arrière-Scène
Une critique signée
Muriel Hublet
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