Un Uomo Di Meno (Un homme de moins)
7 heures et 1000 adjectifs
Fare Thee Well Tovaritch Homo Sapiens, la tétralogie initiée par Jacques Delcuvellerie et le Groupov voit enfin le jour. Après un travail intense de plusieurs années, la première partie, sous le titre Un uomo di meno, est présentée au Théâtre National.
Ce premier opus est difficilement synthétisable.
Il évoque l’avenir de l’homme en épinglant les dérèglements climatiques, la surconsommation, les guerres à répétitions, la faim dans le monde, les nouvelles technologies…
Soigneusement appuyé sur des témoignages, des textes connus, des musiques et des danses, l’ensemble est subtilement ambivalent, protéiforme et malaisément qualifiable.
Le moindre adjectif peut-être à la fois compliment et critique.
La première évidence pour tous est sa longueur.
Sept heures entrecoupées d’un entracte méritent en effet allègrement ce qualificatif.
Si certains instants paraissent longuets, l’importance du sujet traité et le volume de recherches pour l’étayer permettent de comprendre une telle durée.
Le soin, la variété et l’originalité fantasque que toute la troupe apporte au jeu scénique la compensent en grande partie tant le propos est se veut interpellant et conscientisant.
D’autres mots comme glauque, violent, excessif, provocant sont tout aussi appropriés et caractéristiques d’Un uomo di meno.
Pour certains le sens caché en sera intolérable, révoltant, inutile ou gratuit, mais pour d’autres justifié ou pertinent sembleront plus judicieux.
Le terme littéraire revient également très souvent, et avec justesse, vu le nombre d'extraits d'œuvres connues ou de références à des auteurs.
Pasolini, Brecht, Sade pour ne citer qu’eux sont ainsi très présents.
Inévitablement, ces citations en dérangeront plus d’un.
Musical est aussi un des traits du spectacle : chants religieux, superpositions hardies, tubes français, Bob Dylan, standards anglais, tous soulignent ou sous-tendent à merveille le propos.
On rajoutera sans hésiter surprenant, déroutant, attendrissant, ryhtmé, fouillé, ironique, grinçant, tendre, agaçant, séduisant, créatif, excessif…
Mille adjectifs peuvent encore servir pour dépeindre Un uomo di meno.
Mais aucun ne suffira à décrire cetteœuvre complexe, inventive, généreuse qui sera cependant à réserver aux amateurs de théâtre à textes.
Il est néanmoins dommage d’émettre cette restriction tant l’originalité audacieuse de certaines scènes et l’interprétation des comédiens méritent le détour.
On épinglera Francine Landrain (formidable Pasolini), Valentine Gérard (la sensuelle Nursy), Alexandre Trocki (superbe malgré son confinement dans une chaise roulante), Sophie Kokaj (discrète mais efficace mère), Jacques Delcuvellerie (par instants comme transfiguré) et la voix magnifique de Jean Fürst.
Difficile de citer tout les intervenants tant on s’imagine sans peine, au vu du résultat, qu’il s’agit ici du travail de toute une équipe.
Sorte d’OVNI théâtral, Un uomo di meno ne restera hélas classé que dans les exercices de style alors que pourtant il se révèle généreux, surprenant, alléchant dès que l’on se laisse prendre par la main par Jack Delui (le héros de ce long témoignage) et que l’on revisite avec ses yeux notre monde, ses dérives, ses contradictions, ses dangers et son avenir.
Spectacle vu le 21-03-2010
Lieu :
Théâtre National - Grande Salle
Une critique signée
Muriel Hublet
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