Dom Juan
Entre perplexité et séduction
Dom Juan le libertin, lucide, retors, sadique, amoral et menteur voit dans la conquête amoureuse une partie de jeu d’échec.
Une fois la reine culbutée, on recommence une nouvelle joute… avec une autre et par sécurité dans un autre lieu.
Molière a ainsi créé une personnalité subtile, attirante et séduisante qui pourtant surprend dans ses discours et ses théories manipulatrices.
Pour développer et faire percevoir cette complexité, il place son héros dans de multiples situations et face à une kyrielle de personnages.
Un rendu qu’il devient donc quelquefois difficile d’offrir dans un monde théâtral parfois réduit à la disette.
Michel Kacenelenbogen nous en propose une version haute en couleur, avec un joli rendu de ce défilé bariolé imaginé par l’auteur grâce à la scénographie de Vincent Lemaire qui divise la scène en deux parties et permet l’impression de mouvement.
La création images de Julie Michaud renforce cette perception.
Ainsi, la première scène, sorte de poursuite entre l’immense Sganarelle et le petit Don Gusman (Clément Thirion) séduit et laisse présager le meilleur.
La première confrontion entre le valet (superbe Olivier Massart) et son cynique maître (un Serge Demoulin magnifique et ambigu à souhait) recèle les mêmes promesses.
Les costumes de Catherine Somers, les musiques de Pascal Charpentier
séduiront tout autant.
Le talent des comédiens et surtout la formidable complicité du duo Massart/Demoulin font le reste pour nous offrir un spectacle de très bonne facture.
On citera entre autres la fougue des deux jeunes paysannes (Laura Sépul et Annabel Lopez) le cocasse Pierrot d’Aurélio Mergola et le drolatique de Jean-Michel Balthazar en un Monsieur Dimanche burlesque à souhait.
Malheureusement, cette belle brochette de talents et leur fougue communicative ne suffit pas totalement pour nous offrir l’excellence que les premières minutes laissaient espérer.
La pièce de Molière écrite pour moult comédiens et plusieurs changements de décor, souffre ici d’un certain statisme répétitif auquel s’ajoute la petite déception de voir toutes les scènes de combat se dérouler en ombres chinoises.
Le Dom Juan de Michel Kacenelenbogen se révèle donc au final plaisant et un tantinet frustrant.
Le travail et l’attention soucieuse portée à chaque détail sont clairement perceptibles. Mais les plus exigeants ne manqueront pas de se sentir priver de cette petite étincelle trop évanescente et dont la présence plus constante aurait rendu ce Dom Juan transcendant.
Malgré ce bémol, le spectacle, déjà rien que pour ses interprètes, vaut la peine d’être vu.
Spectacle vu le 09-05-2009
Lieu :
Théâtre Le Public - Voûtes
Une critique signée
Muriel Hublet
Imprimer cette page
Enregistrer cette page sous format PDF