Le Fait d'habiter Bagnolet
Autopsie d’un coup de foudre
Chacun d’entre nous, sans s’en rendre vraiment compte est assailli en permanence de pensées les plus diverses et parfois les plus hétéroclites.
Vincent Delerm nous propose de nous introduire dans les pensées d’Alice et Simon (Laurent Renard et Fanny Duroisin).
Ils se connaissent depuis 13 jours seulement, c’est leur premier repas au restaurant.
Chacun tente de connaître l’autre, de se présenter sous son meilleur jour, évoque ses premiers émois, a ses points de comparaison, ses envies, ses fantasmes, et son réalisme propre.
L’originalité de la pièce Le Fait d'habiter Bagnolet est que les deux amoureux ne se parlent quasi pas.
Ils font entendre tour à tour leurs réflexions, leurs angoisses, motivent leurs silences, leurs regards et leurs gestes.
Ils décortiquent l’importance, les enjeux d’une première rencontre réussie, des prémices d’un amour qui sait plus durable.
Avec beaucoup de fraîcheur, de sentiment et une belle dose d’humour, la mise en scène de Marie-Paule Kumps se veut toute simple, joue avec les chaises, les changements de places et les verres avalés à la va-vite pour masquer une certaine gêne ou la salade discrètement chipotée pour cacher la peur qui coupe l’appétit et risque de faire craindre à l’autre à une anorexie mentale.
Des cours de solfège aux coquilles St Jacques recyclées en cendrier, de l’ex-petite amie obsédante à l’ex toujours envahissant, du judo au piano, de la pizzeria à la crêperie bretonne, des Lacs du Connemara et Toto Cutugno, de Dépêche mode à la manière de tartiner les canapés, de la propreté d’une fenêtre à un rideau de douche orné de palmiers, tout y passe dans un désordre foutraque.
Tout tourneboule dans leur tête et nous amuse dans un récit volontairement décousu, moderne, imaginatif, amusant, indiscret et à peine …voyeuriste ?
Laurent Renard et Fanny Duroisin se donnent la réplique, avec les hésitations de rigueur, les mots retenus ou ravalés, les mains se cherchent, les regards s’évitent, les sourires s’effacent à peine esquissés.
Attendrissants, presque comme les deux amants de Penney, ils leur manquent peut-être un peu plus de texte.
Pour innovant et amusant que soit le propos de Vincent Delerm, il ne suffit pas vraiment à rassasier le spectateur de théâtre, qui se sent un peu frustré comme si on le renvoyait du restaurant après la tomate mozzarella servie en entrée et avant d’avoir eu le temps de déguster son osso buco.
Démarche intéressante, piquée d’humour Le Fait d'habiter Bagnolet séduit, mais ce spectacle de 75 minutes laisse comme un peu sur sa faim.
Pourtant, une chose est sûre, la prochaine fois que l’on se prendra en flagrant délit de laisser divaguer nos pensées, on ne pourra retenir un petit sourire en coin en se souvenant du Fait d'habiter Bagnolet.
Spectacle vu le 01-03-2008
Lieu :
Atelier 210
Une critique signée
Muriel Hublet
Imprimer cette page
Enregistrer cette page sous format PDF