Moi, Orson Welles et Don Quichotte
Dans la superbe reconstitution d’un studio d’enregistrement (un décor de Lionel Lesire), nous découvrons un homme usé, fragile, tourmenté et désargenté.
Au bout du rouleau et de l’espoir, Orson Welles vivote en réalisant des spots publicitaires.
Il a tout connu : la gloire et la déchéance, l’adulation et la solitude, l’argent et les vaches maigres.
Et pourtant, à 70 ans, au-delà de sa fatigue et de sa lassitude morale, il continue à faire des projets, à chercher un budget pour terminer enfin son dernier film Don Quichotte.
Connaître Orson Welles et son œuvre permet de mieux déceler les subtilités de cette chronique et d’apprécier la finesse et la richesse d’un texte fidèle à la vie du réalisateur de Citizen Kane et respectueux du caractère du personnage.
Mais ce n’est pas indispensable pour comprendre le spectacle et percevoir la souffrance d’un homme qui a été adulé, adoré, conspué, rejeté, poursuivi.
Richard France (l’auteur) a construit son récit sur de solides bases autobiographiques qui se complètent d’une étude de la psychologie de ce génie déchu, de cet esprit bouillonnant, de cet homme complexe.
Il lui met dans la bouche des mots et une détresse que l’on peu sans hésitation considérer comme vraies tant le propos est pertinent, attachant pathétique
Armand Delcampe relève donc un fameux défi en se glissant dans la peau d’Orson Welles. Il le fait avec humilité, talent et panache.
Il efface son air bonhomme et jovial de directeur de théâtre pour se transformer en un être tourmenté, désespéré, miné par l’âge, la solitude et les nombreux revers qui ont jalonné son existence.
Pour vivre, il doit se plier à ce qu’il considère comme des futilités, faire de la pub radiophonique, lire des textes vantant de la pâtée pour chat et autres produits tout aussi intéressants.
Au bout du rouleau, à bout de souffle, il ne doit ce boulot qu’au travail acharné de Mel (Alain Eloy), technicien radio, devenu assistant, ami, confident.
S’il voue probablement un certain culte à la personnalité d’Orson Welles, cela ne l’empêche pas de rester lucide. Il tarabuste le vieil homme pour obtenir le meilleur résultat possible, pour encore décrocher des contrats publicitaires. Il use de toutes les techniques à sa disposition pour gommer les imperfections de la voix désormais éraillée et ponctuée de toussotements.
Bien plus qu’une rencontre précieuse avec un monstre sacré, qu’une incursion dans une vie riche et complexe, qu’une (re)découverte d’une figure marquante du cinéma américain Moi, Orson Welles et Don Quichotte est surtout une prestation d’acteurs.
Inévitablement, on saluera la performance d’Armand Delcampe.
Pathétique, fragile, pitoyable et grandiose, il est tout simplement bluffant.
Alain Eloy est loin d’être un discret faire-valoir. Dans ses colères, comme dans son admiration, il se révèle tout aussi attachant que le Maître.
Spectacle vu le 12-08-2010
Lieu :
Festival Royal de Spa (Salon Gris)
Une critique signée
Muriel Hublet
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