Délire à Deux
Idiot, imbécile, séducteur, dégoutant…
Voilà quelques-uns des mots affectueux que s’échange ce couple.
Dix-sept ans qu’ils vivent ensemble ou du moins côte à côte, car faut-il encore vraiment parler de couple.
L’amour a disparu, seule les maintient, les anime, les motive la haine qu’ils éprouvent l’un pour l’autre.
Leur unique plaisir : énerver l’autre, jouer avec ses nerfs, le pousser à bout.
Pour y arriver, tout est bon.
Les scènes s’enchaînent au rythme de la mauvaise foi et de la malveillance.
Il s’amuse à changer la vitesse du disque de musique classique pour faire enrager sa compagne.
Elle argutie qu’une tortue et un limaçon sont un même animal.
Il a chaud et ouvre la fenêtre, elle commence à grelotter pour exige qu’il referme celle-ci.
Leur journée est rythmée de ping-pongs verbaux acerbes, de rituels oratoires qui les entraînent de querelles en disputes.
Ils sont en guerre, chacun retranché sur ses positions, agressant sans cesse l’autre, cherchant à le blesser, à le détruire.
Paradoxalement, Ionesco place ses protagonistes dans un vieil appartement miteux dans une ville en état de siège et les fait vivre en staccato des mitraillettes, explosions de grenades et tirs de roquettes.
Toute la perversité de leur relation les unit donc face à la peur extérieure, mais une fois celle-ci passée, ils redeviennent des ennemis et retombent dans leur routine destructrice.

Cette courte pièce (1h5) est quasi une première en Belgique.
Si on y retrouve le ton décalé et l’absurde propre à Ionesco, Délire à deux nécessite un véritable investissement des comédiens.
Xavier Campion et Florence Roux (sous la direction de Vinciane Geerincx) sont de vrais concentrés d’énergie.  Ils transfigurent leurs personnages, y insufflent hargne, force et fougue.
Ils forcent à peine le trait pour faire basculer le drame dans le vaudeville et nous entraînent ainsi à leur suite entre rires et grincement de dents.
Si on n’a rien à reprocher à leur interprétation énergique, si l’on se prend de pitié pour ce pauvre looser/rêveur opprimé par une agaçante mégère, si l’on compatit aux frustrations de cette femme qui a tout quitté pour une vie de misère et de sarcasmes, il manque un petit zeste qui inclurait le spectateur dans cette hystérie paranoïaque, qui en ferait partie prenante plutôt que le lui laisser l’impression d’assister à une querelle sans fin et sans commencement.

Au-delà de ce bémol, Délire à deux reste un moment plaisant et une manière d’enrichir, de varier et de pimenter nos propres scènes de ménage ou nos délires de couple.

Spectacle vu le 12-08-2010
Lieu : Festival Royal de Spa (Salon Gris)
Une critique signée Muriel Hublet

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