Le diable rouge (Mazarin)
Le Théâtre du Parc nous guide une fois de plus dans les alcôves et les recoins qui ont été les témoins privilégiés des intrigues qui ont sous-tendu à l’accession au trône du jeune Louis XIV.
La petite histoire avec ses magouilles, manipulations et tractions ourdies en secret, ses coucheries, tromperies et autres cocufiages rencontre la grande Histoire, celle des livres, celle qui se souvient de la Guerre de Trente Ans, du Roi Soleil et de Mazarin.
Pendant des années, ce dernier a tenu de main ferme les rênes de la France.
Nous le découvrons vieilli et malade, quasi à la fin de sa vie.
Très bientôt, il va devoir céder la place à son filleul.
Si depuis l’enfance, il l’a éduqué et protégé, il n’a aussi jamais hésité à le manipuler pour arriver à ses fins.
Aujourd’hui, le pays est exsangue, endetté et obligé d’encore lever des impôts pour faire face aux coûts exorbitants de cette sempiternelle querelle qui l’oppose à l’Espagne.
Depuis déjà longtemps, Mazarin tente, pour obtenir la paix, de marier le jeune roi à l’Infante espagnole, les tractations s’éternisant, Louis XIV s’éprend de la nièce de son mentor : Marie Mancini.
L’auteur français Antoine Rault nous offre un texte rigoureux, respectueux du contexte, mais empli d’humour et de tendresse.
L’ironie du propos et les références aux situations contemporaines apportent une saveur piquante à un récit qui sinon risquerait de pêcher par d’inévitables longueurs (dues à la foison de faits historiques à évoquer).
Serge Daems a imaginé et créé un tel écrin, que dès l’ouverture il recueille les applaudissements du public séduit par la somptueuse simplicité d’un décor raffiné fait en autres d’un mur-miroir et de riches peintures.
Discrète et pourtant très précise, la mise en scène de Jacques Neefs tire à merveille parti du talent de ses comédiens.
Magnifique Mazarin, Jean-Claude Frison excelle dans tous les registres.
Il campe un personnage complexe, fragile et puissant, redouté, redoutable et craintif face à la mort, flatteur, caustique, tendre, manipulateur ou malicieux.
Il met en avant avec maestria chaque facette de son Diable Rouge.
Royale Rosalia Cuevas nous propose une Anne d’Autriche fière et pleine de superbe qui cache soigneusement sous son port altier ses souffrances de femme isolée et en manque d’amour.
Discret, mais retors, Bruno Georis est Colbert, au service du Cardinal, il place discrètement ses pions pour devenir son successeur et être, à son tour, un des grands notables français.
Quasi effacé, Pierre Hardy donne un joli relief comique à Bernouin le serviteur de Mazarin. Morgane Choupay interprète joliment Marie Mancini l’amoureuse d’un inaccessible rêve qui avec la naïveté de la jeunesse espère en la victoire des sentiments sur la raison tandis que Toussaint Colombani tente de montrer les hésitations d’un jeune homme qui se cherche, son Louis XIV est ambivalent entre froid réalisme, indifférence royale et gestes amoureux.
Un drame de jadis délicieusement contemporain qui nous renvoie au pouvoir (et aux dérives) de nos dirigeants, une audacieuse réflexion sur la solitude, la vieillesse et la mort, un texte fin, drôle et cynique.
Un grandiose Mazarin. Un subtil et royal spectacle.
Spectacle vu le 24-02-2011
Lieu :
Théâtre Royal du Parc
Une critique signée
Muriel Hublet
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