Celle-la
Après Le Chant du dire-dire en 2005, c’est le second rendez-vous que nous propose Hélène Theunissen avec Daniel Danis.
Celle-là, un texte jamais encore monté en Belgique, est la première pièce écrite par le dramaturge québécois.
Comme dans Le Pont de pierres et la Peau d'images, Le Chant du dire-dire ou Le Langue-à-langue des chiens de roche, on retrouve son style simple et complexe, réaliste et poétique, ses récits troubles et troublants qui plongent au cœur du drame.
Son écriture caractéristique fait que l’intrigue n’est jamais nette, mais dévoilée au travers des confidences des différents protagonistes.
Il nous propose un tableau flou, une esquisse très légère dont les contours (et l’horreur) vont se préciser et surgir des dialogues.
Dans Celle-là, ils sont trois à égrener leurs souvenirs.
Il ya là l’âme de la sorcière-mère qui retrouve enfin près d’elle le vieux, son amant, et son fils dont elle a été séparée.
Sous forme d’instantanés, sortes de photos jaillies du fond de leurs mémoires, les bribes du passé vont laisser transparaître le drame.
Elle (Nicole Valberg) est épileptique.
Surprotégée dès sa prime jeunesse, elle devient, arrivée à l’âge adulte, incapable de gérer ses appétits charnels.
Sa famille, catholique bien-pensante, après l’avoir enfermé dix ans dans un couvent, l’exile dans un petit village sous la surveillance du vieux d’en haut (Gérard Vivane).
Coincé entre une épouse malade et ses obligations morales, il va très vite succomber aux appâts de sa voisine.
Un fils (Christophe Destexhe) naîtra de ces amours soi-disant amorales.
Mais comment vivre et résister à un environnement qui n’est qu’opprobre, reproche, jugements péremptoires ? Comment oser s’élever contre les préceptes inculqués depuis l’enfance ?
En mal de reconnaissance et d’affection, la jeune mère va perdre pied et l’esprit et commettre l’irréparable.
C’est ce drame, ses causes et ses conséquences qui sont ici évoqués avec force et pudeur.
Chaque personnage est volontairement ambigu et ne se dévoile qu’au travers du récit des autres et la perception qu’en aura chaque spectateur.
Sans repères, sans références de temps ou de lieu, le théâtre de Danis est intemporel.
Hier, aujourd’hui et avant-hier se télescopent, comme s’entrechoquent les fragments de mémoires et les souvenirs magnifiés.
Les monologues se succèdent pour instaurer enfin, par delà la mort, un dialogue.
Dans une scénographie épurée, la mise en scène d’Hélène Theunissen se fait légère pour mieux transcender l’émotion, le drame, les souffrances enfouies.
Côté comédiens Nicole Valberg navigue magistralement entre folie douce et désespoir, Gérard Vivane reste sans cesse comme détaché de tout, comme incapable d'exprimer le moindre sentiment tandis que Christophe Destexhe est superbe en adulte dans un esprit d’enfant, en petit garçon désespéré et toujours en quête d’une image maternelle.
Spectacle vu le 09-11-2010
Lieu :
Théâtre des Martyrs - Atelier
Une critique signée
Muriel Hublet
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