Le projet HLA
Les mains qui mangent les mains qui tuent
Sur un plateau clos sur trois côtés par des murs ternes, au sol jonché de cadavres de bouteilles de vin, un trio familial est figé, comme suspendu en pleine vie.
Cette première impression, Le Projet H.L.A va la confirmer et la réaffirmer à l’infini.
Son auteur, le français Nicolas Fretel, très influencé par la musique techno (clairement présente grâce à la prestation live de Dj Doc CLD) ressasse en boucle la même scène.
La violence ambiante et sonore souligne, accélère, amplifie l’exploration de ce drame familial.
En revisitant à maintes reprises le dernier repas pris en commun, des bribes de détails et quelques précisions viennent s’ajouter au tableau du meurtre annoncé du pater familias (magnifique Philippe Jeusette).
Victime de son propre père, il répète les mêmes gestes sur son fils (troublant Corentin Lobet).
Entre eux navigue la mère (formidable Valérie Lemaître). Comme un bateau ivre, elle est ballottée entre les deux hommes de sa vie, entre amour filial et charnel, entre besoin d’aimer et d’être aimée.
Viol, inceste, alcoolisme, coups, brimades et alcool enferment la famille dans une spirale infernale que même la mort n’arrivera pas à rompre.
Chacun vit dans son propre enfermement, dans sa folie singulière.
Tous se sont forgé leurs barreaux de prison faits d’amertume, de regrets de rancœur et de désirs inassouvis.
Georges Lini, qui signe la mise en scène) retrouve un de ses thèmes et de prédilection. Si la vision de Nicolas Fretel peut paraître directive, il réussit à y insuffler la violence pure, l’angoisse et le glauque qui font du spectateur un voyeur presque mal à l’aise, comme souillé par les jaillissements de cette tragédie.
Interpellant, troublant, oppressant, ce huis clos met en évidence les ravages provoqués par un milieu familial malsain et l’impossibilité de rompre les chaînes de l’hérédité.
Noir de noir, étouffant, voire dérangeant, le spectacle peut, par ses répétitions, agacer ou frustrer par sa courte durée (une heure).
Avec un peu de recul, il faudra pourtant reconnaître à Nicolas Fretel et à Georges Lini que ce n’est qu’à ce prix que leur travail rend toute la valeur à l’impression d’enfermement dans une spirale infernale et infinie.
Spectacle vu le 11-03-2011
Lieu :
Théâtre de Poche
Une critique signée
Muriel Hublet
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