On ne me l'avait pas dit
Femme des années 80 ?
Michel Sardou évoque pertinemment cette complexité dans la chanson Etre une femme.
La bourgeoise Marie-Anne Delapierre, conférencière d’un soir, va le faire vivre, en public.
Elle a été invitée pour présenter sa lecture d’un essai au titre formidable : La femme hypertonique dans notre siècle naissant.
Mais … inévitablement, le speech dérape.
Véronique Gallo, professeur de français à Hannut, défend elle-même son texte sur les planches de la Samaritaine (et sur de nombreuses espérons le pour le plaisir des spectateurs).
Dans un seul en scène drolatique d’une petite heure, elle va évoquer sa vie de femme au XXIe siècle.
La wonderwoman de la couche pampers
Elle dresse le portrait sans concession (et pas piqué des vers) d’une wonderwoman de la couche pampers, d’une marathonienne des courailleries et d’un prix Nobel de patience.
Sa détresse psychologique est telle, qu’elle se sent flouée jusqu’au plus profond de son enfance.
Les valeurs qu’on lui a inculquées, les images reçues ne correspondent en rien à sa vie actuelle.
Elle plonge dans ses souvenirs, dans les représentations qu’on lui a imposé de la féminité maternelle pour en ressortir Barbie et Ken, idéalement minces, jamais fatigués, qui ne connaissent ni les legos traînant partout, ni la joie des chamailleries de Skip et Skimmer leurs charmants bambins pour trois centimètres d’accoudoirs pendant tout un trajet en voiture.
Elle redécouvre la télévisuelle image idéalisée et rose bonbon de l’amour filial, du rôle d’une mère aimante transmise par la petite maison dans la prairie et sa célébrissime famille Ingalls.
Sans oublier naturellement tous les préceptes soigneusement inculqués par Maman, tout y passe, pour faire ressentir son drame intime.
On ne me l'avait pas dit !
Flouée, désespérée, elle flotte dans ce costume trop large, écrasée par ce carcan trop lourd à porter.
Elle se perçoit comme une ménagère popote coincée entre trois garçons qui ne s’entendent que pour les bêtises et un mari trop absent (au moins en esprit).
Difficile d’être une parfaite bête de cirque, de faire le grand écart entre la cuisine et la chambre à coucher, de jongler adroitement (et en même temps) avec les tartes de Tante Nénenne, les biberons, la pâte à sel, le rôti à arroser et le Monopoly.
Ce soir, décidément rien ne va.
Elle dérape, elle craque, elle ose crier ses frustrations de femme idéalisée, de gamine à qui on a oublié de monter que la vie, c’est aussi Dallas et son univers impitoyable.
Avec ce spectacle, Véronique Gallo lance un vibrant SOS, sincère et finement observé, étayé des rêves d’une petite fille et des réalités d’une mère.
Cocasse, désopilant et drolatiquement amer, On ne me l'avait pas dit, interpellera énormément les spectatrices par son sens du vécu.
Même si, inévitablement, elles ne manqueront pas, de temps en temps, de vous regarder, Messieurs, d’un regard à peine accusateur, ne faites pas l’impasse sur Véronique Gallo et sa féminine désespérance, car vous n’aurez aucune excuse.
Cette fois… On vous l’a bien dit !
Spectacle vu le 13-09-2008
Lieu :
La Samaritaine
Une critique signée
Muriel Hublet
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