Amen (Le Vicaire)
Amen est en langage courant le mot de l’acceptation totale, le oui de la résignation.
A l’opposé, derrière ce titre, le Théâtre Royal des Galeries nous propose de vivre le combat de deux hommes qui s’élèvent contre l’abdication silencieuse ou contre le confort sécurisant de la loi du silence.
Amen (Le Vicaire), texte de Rolf Hochhuth, date de 1963.
Il nous fait témoins du cheminement d’un officier SS et d’un jeune prêtre qui, pendant la Seconde Guerre mondiale, vont s’évertuer à clamer à la face du monde l’holocauste.
Rolf Hochhuth décrit chaque personnage de manière volontairement trouble, ambiguë même.
Il estime qu’avant d’être un bon ou un mauvais, chacun est être humain qui tente de se situer et d’évoluer selon sa perception du monde qui l’entoure et selon ses convictions.
Loin des diatribes, des accusations rabâchées ou du pathos de rigueur, l’auteur expose, avec pas mal d’impartialité, les points de vue, laissant chacun maître de son jugement, de la portée de celui-ci et de décider de son (non-)engagement ou de sa neutralité.
À sa création en 1966 (déjà par les Galeries), la pièce a été considérée comme un véritable pamphlet anticlérical et a soulevé son lot de polémiques.
Depuis, elle a très rarement eu les honneurs de la programmation.
Dommage.
L’importance d’oser s’élever contre la barbarie ou de lutter contre l’intolérance (quelles que soient leurs formes) mérite de fréquentes piqûres de rappel.
Dernièrement, Amen (Le Vicaire) a recréé la controverse grâce à l’adaptation cinématographie qu’en a faite Costa Gavras (en 2002).
Et aujourd’hui, tant d’années après, qu’en est-il ?
Les passions sont-elles retombées ?
Le propos de Rolf Hochhuth est-il éculé ou reste-t-il prémonitoire d’autres silences coupables, d’autres yeux pieusement fermés ?
Mais au- delà du message que chacun peut (ou pas) retirer d’Amen, se cache le travail et le talent de toute une troupe.
Francesco Deleo a créé un ingénieux décor modulable qui nous fait voyager de Berlin à Rome en passant par Auschwitz quasi en un instant.
Côté comédiens, la distribution, toute masculine, compte quelques sérieuses pointures tels Pascal Racan, Bernard Sens ou Jean-Claude Frison et quelques habitués des Galeries comme Michel Poncelet et Marc De Roy.
Emmanuel Dekoninck, David Leclercq, Damien De Dobbeleer, Gérald Marti, Frederik Haùgness, Frédéric Clou, Xavier Dumont et Steve Driesen (formidable Kurt Gernstein) s’y ajoutent avec beaucoup de talent.
Nicolas d’Outremont (le jeune prêtre Riccardo Fontana) est époustouflant, il ne cesse de surprendre et de séduire dans ses colères, ses révoltes et ses passions.
Jean-Claude Idée signe une mise en scène précise, qui n’écarte aucun détail et qui ne laisse aucune place à l’imagination pour mieux recentrer le spectateur sur le texte et son message.
Amen (Le Vicaire) est un must.
Si ses énormes qualités scéniques en font un des incontournables de la saison, la pièce mérite d’être mise au programme scolaire pour offrir aux jeunes cette vision pluraliste et objective du racisme et de ses innombrables et inadmissibles dérives.
Spectacle vu le 26-10-2011
Lieu :
Théâtre Royal des Galeries
Une critique signée
Muriel Hublet
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