Le cas Jekyll
Docteur Jekyll et Mister Hyde sont devenus deux mythes de la littérature et du cinéma.
Le roman de Robert Louis Stevenson semble impossible à monter sur les planches (trop de lieux et d’intervenants) au théâtre.
Christine Montalbetti, sur une commande de Denis Podalydès, a adapté le récit pour un seul personnage.
Elle s’empare de la confession de Jekyll à son ami Utterwood, pour nous conter pendant un peu plus d’une heure le cheminement qui a conduit un jeune médecin, bien sous tous rapports, à expérimenter des breuvages qui l’ont entraîné sur les chemins de la violence et de la débauche.
Le discours de Jekyll est tout à la fois un plaidoyer pour la science, un aveu, une mise en garde, une recherche d’absolution, une tentative de faire comprendre sa détresse et le récit des évènements des derniers mois.
Mais le double démoniaque a échappé petit à petit à son créateur et de plus en plus Hyde prend possession de Jekyll.
Deux hommes dans un même corps : l’élégant dandy sage et raisonnable et le gnome poilu et difforme au langage salace et à la violence incontrôlable, voilà pour un comédien, une occasion en or de révéler toutes les facettes de son talent.
La metteuse en scène Elvire Brison a, très judicieusement, fait confiance à Emmanuel Dekoninck pour ce rôle complexe.
Elle le fait évoluer dans le très beau décor, à la fois cour de maison, rue de Londres et intérieur d’un bureau signé par Philippe Hekkers.
Elvire Brison joue l’ambivalence également dans la mise en scène.
Aucun artifice, aucun changement à vue (dommage ?) pour signaler les transformations Jekyll-Hyde, elle mise tout sur le jeu de visage et de voix d’Emmanuel Dekoninck
Sa prestation sans faille, le fait pathétique, sombre, inquiétant, lubrique, terrifié, désespéré, troublant, excessif et fascinant.
Mais derrière cette prestation de comédien exemplaire, une gesticulation d’enfant capricieux, des cabrioles et pseudochutes surprennent et paraissent un peu hors propos.
Mais ce petit bémol ne vaut pas la peine de faire l’impasse sur un spectacle drôlement vivant et interpellant qui intensifie la relation Jekyll-Hyde en exposant clairement la dualité entre le bien et le mal, le combat intérieur et les égarements de la science.
Spectacle vu le 13-01-2012
Lieu :
Théâtre des Martyrs - Atelier
Une critique signée
Muriel Hublet
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