Celui qui se moque du crocodile, n’a pas traversé la rivière
Les extrêmes s’attirent dit le proverbe.
Blanc et Noir, Ying et yang, eau et feu…
François Ebouele et Guy Theunissen, l’un Camerounais et l’autre Belge étaient à l’opposé l’un de l’autre lorsqu’ils se rencontrent pour la première fois en 2003.
Tout les oppose, histoire, passé, références, conception de la vie…
Seul le théâtre peut-être est leur point commun.
Petit à petit, ils se sont apprivoisés, ils ont appris à connaître l’autre, à l’accepter dans ses richesses et dans ses différences, à abattre les murs de préjugés dont trop souvent on s’entoure soi-même pour mieux isoler les autres.
Spectacle profondément humain, de deux personnalités qui se cognent, s’entrechoquent, s’empoignent, s’enserrent, s’enlacent, s’embrassent, s’étreignent, s’engueulent Celui qui se moque du crocodile, n’a pas traversé la rivière n’est que nuances et finesses.
Pas de tout blanc ou tout noir, pas de confrontation, pas de polémique… bien que les mots interpellent, poussent à réfléchir.
Chacun a sa vision du monde, de la politique, de l’Histoire, de la chute du mur de Berlin, de l’Afrique, de l’Europe…
Chacun a appris l’autre, accepté sa couleur, a aboli les distances, a construit des ponts pour traverser la rivière pour tendre la main.
Cela ne s’est pas fait en un jour, sans heurts ni engueulades.
L’amitié est née petit à petit, s’est nourrie du vécu des deux hommes, s’est enrichie d’anecdotes pittoresques comme le taxi clando, le mariage de François, s’est enracinée bien profondément dans les deux cœurs, un peu comme ces contes qui laissent d’impérissables souvenirs dans l’âme et la mémoire.
Représentation théâtrale, rencontre, partage, Celui qui se moque du crocodile, n’a pas traversé la rivière est tout cela et un peu plus. On perçoit l’affection qui lie les deux amis, leur connivence, leurs regards complices ou amusés, on se sent voyeurs, voleurs d’instants d’intimité.
Délicatement travaillée et étudiée, la mise en scène de Yaya Mbile Bitang et Brigitte Baillieux coule sans heurts, naturellement, faisant presque oublier par moments que nous sommes au théâtre.
Judicieusement choisis, parfois durs ou pleins d’humour, mais toujours pertinents les mots de Guy Theunissen, quelquefois un peu trop référencés, sont sans concession. Culpabilité enracinée, responsabilité culturelle, tout y passe pour mettre à plat les années d’esclavage réel, virtuel, physique et psychologique, pour briser les chaînes de fer et les carcans mentaux.
Bien plus qu’une psychothérapie jouissive, Celui qui se moque du crocodile, n’a pas traversé la rivière est une superbe bouffée d’optimisme qui nous montre de façon éclatante que tout est possible, que la vie ce n’est pas que tout blanc ou tout noir.
Spectacle vu le 08-03-2012
Lieu :
Espace Delvaux
Une critique signée
Muriel Hublet
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