
Vieilles chansons maléfiques
L’auteur américain Jon Marans nous compose un texte complexe et attachant qui s’il ré-égrène le conflit des générations, y apporte une touche de musicalité, de rigueur et de fraîcheur qui n’est pas pour déplaire.
Stephen Hoffman (Jean-François Brion) est un jeune pianiste prodige américain.
Depuis un an, il n’arrive plus à jouer une note.
Il est envoyé suivre deux mois de cours de chant, à Vienne, chez le professeur Mashkan (Alexandre von Sivers).
Pour un artiste international, être relégué au rang d’élève d’un enseignant anonyme et pire devoir passer par ce parcours obligé avant d’être considérer comme digne d’intérêt par le réputé professeur Schiller qui lui a été chaudement recommandé comme seul capable de le sortir de son enfermement musical.
Inévitablement donc, débutant sous de tels auspices, les relations entre les deux hommes ne pourront être que houleuses.
De manière tout aussi prévisible, on sait qu’ils vont s’apprivoiser, devenir amis, épauler leurs solitudes, s’aider à affronter leurs détresses respectives.
Les esprits chagrins maugréeront : Encore une pièce sur un sujet éculé.
Oui … mais non.
Si jamais assez on ne répètera le pouvoir de la main tendue et de l’écoute de l’autre et de soi, Jon Marans y ajoute la confrontation de deux cultures entre un jeune américain et un vieux Viennois, le choc de l’histoire entre un juif qui ne sait assumer son ascendance et le second qui vivote hanté par les cauchemars et les remords du survivant.
La plus belle et peut-être la plus subtile insertion de Marans dans ce récit est la musique. Les Dichterliebe de Schumann deviennent écrins, échos, arènes de combat, exutoires et vont crescendo mener, de nuance émotionnelle en dièse musicale conduire les deux hommes vers la paix intérieure.
Si inévitablement chants allemands classiques et piano vous rebutent, vous risquez de passer à côté de la richesse et de la profondeur de Vieilles chansons maléfiques.
Dommage pourtant de faire l’impasse sur l’époustouflant travail d’acteur d’Alexandre von Sivers (en live au piano et accent autrichien en permanence) et de Jean-François Brion (au chant en français et en allemand et au piano).
Si la pièce (1h45) souffre de petites longueurs, ce n’est certes pas au travail de Jean-Claude Idée (à la mise en scène, à la scénographie, aux costumes et aux lumières) qu’il faudra jeter la pierre, mais peut-être à la complexité de l’âme humaine et à la beauté de la musique.
Spectacle vu le 11-08-2012
Lieu :
Festival Royal de Spa (Salon Gris)
Une critique signée
Muriel Hublet
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