Sentiments provisoires
Un soir de week-end comme tant d’autres pour Marc (Jean-Claude Frison) et Hélène (Stéphanie Moriau) et Félix (Michel de Warzée), le meilleur ami de ce dernier, enfin presque …
Entre le feu de bois, la salade de tomates et le petit verre de vin, Hélène ose prononcer l’implacable je te quitte.
Marc, écrivain reconnu, quinquagénaire et beau gosse, admet plutôt d’être largué … pour la première fois et de plus pour Félix, son copain d’enfance, un simple prof de géo, celui qui a toujours été là pour balayer derrière lui, pour minimiser ou récupérer ses conneries ou lâchetés, lui ravirait sa jeune épouse de vingt ans sa cadette ? Impensable !
De prime abord, on pourrait croire à une énième version du triangle amoureux classique qui a fait et continue à faire le succès de nos grandes soirées théâtrales.
Ce serait bien réducteur et injuste de résumer la pièce à cela.
Après l’émouvant Le Voyage, où il sublime avec une délicatesse rare la détresse et la douleur à l’humour en offrant à Gérard Vivane et Léonil McCormick deux rôles en or, l'auteur français Gérald Aubert nous propose à nouveau, avec Sentiments provisoires, un texte moderne, pertinent et prenant.
Sur un ton vif, incisif et parfois plein d’humour, les réflexions des personnages s’entrechoquent. Chacun raconte sa vérité, sa vision de sa vie, de l’amour, ses espoirs, ses déceptions et ses interrogations. Le public devient le témoin du tourbillon de pensées et de sentiments qui les torturent tour à tour.
Dans cette comédie douce-amère, principalement faite de monologues intérieurs, pas de vulgarité, ni de pathos, pas de concessions ou de faciles esquives, mais une sérieuse remise en question qui plonge ses racines dans l’enfance des protagonistes pour expliquer leurs états d’âme d’adultes.
Phrases subtiles, mots touchants, etc., Gérald Aubert a fait cadeau à la Comédie Claude Volter, qui signe la première belge, d’un petit bijou théâtral que Michel Wright adapte avec beaucoup de sensibilité.
Dans un superbe écrin végétal et bucolique concocté par Serge Daems et sous les éclairages automnaux de Sébastien Couchard, il dirige avec discrétion et subtilité ses trois comédiens, mieux il apprivoise les silences, en fait des moments chargés d’émotion, expressifs et lumineux.
Complices plus que partenaires, Jean-Claude Frison et Michel de Warzée transmettent cette osmose, cette connivence, ces liens qui vont une fois de plus subir une épreuve, bien pire que celle de l’usure.
Entre les deux, à la recherche d’elle-même, tout en essayant de fuir l’image paternelle qu’elle ne cesse de superposer à celle de son mari et de son amant, Stéphanie Moriau soulève d’un petit vent délicieusement frondeur le confortable ronron de nos deux quinquas.
Le temps qui passe et ses ravages, le besoin de liberté, de sécurité, la solitude, les remises en question, tous ces Sentiments provisoires écorchés, émouvants et drôlement amusants font mouche.
On rit de bon cœur des affres et déboires de Marc et Félix parce qu’ils sont tellement vrai, si proches, tellement nous.
Et pour cela chapeau bas Messieurs !
Spectacle vu le 26-09-2012
Lieu :
Comédie Claude Volter
Une critique signée
Muriel Hublet
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