
Les Contes Hérético Urbains
Période des fêtes rime avec Contes Urbains au Théâtre de Poche.
Chaque année, comme quatre grandes bolées de vin chaud, nous sont proposées épicées avec plus ou moins d’humour, d’ironie et de talent.
Si les ingrédients basiques restent les mêmes, un auteur, un metteur en scène, un interprète, la thématique imposée est cette fois très « hors normes ».
Saveur hérétique !
Sentirons-nous des relents de soufre, des vapeurs noires nous envahiront-elles et entrapercevrons-nous quelques grenouilles de bénitier en fond de scène ?
Non, le choix est plus subtil.
Pas de bondieuserie, de satanisme, mais bien de l’humain, du quotidien, une hérésie plus insidieuse, plus raffinée, celle qui nous propulse hors des sentiers battus, nous transforme en asociaux ou en psychopathes.
Du dressage du personnel façon Disney, avec Minnie 7 (interprétée par Gwen Berrou dans un texte de René Bizac et une mise en scène de Sofia Betz) qui tente de se glisser dans le moule d’une société commerciale qui vend du bonheur préformaté à une soirée d’hommage à Paris Hilton décédée dans des circonstances délirantes (interprétée par Ariane Rousseau dans un texte de Laurence Bibot et une mise en scène d’Isabelle Gyselinx) c’est le merchandising, la consommation, les dérives parfois outrancières du marketing et les traumatismes provoqués, consciemment ou pas, volontairement ou pas, qui sont évoqués.
Si le premier opus séduit, le second amuse tout au plus et mérite un simple coup de chapeau pour la connaissance people sur la carrière de Paris Hilton.
D’une saveur chaudement pimentée et qui fait frémir d’un frisson glacé, All Inclusive de Thomas Gunzig, véritable petit bijou de cynisme, nous fait découvrir une mère-glaçon (superbe Cathy Grosjean dans une mise en scène de Tilly), qui n’a aucun sentiment envers sa progéniture et qui l’exprime, voire l’étale, avec un brio étincelant et cinglant, d’une causticité décapante qui tord le cou à l’enfant-roi et à l’instinct maternel inné.
Le plus parfumé, à la fois amer et moelleux, aux effluves de vanille et poivre, avec une subtile pointe indéfinissable qui fait qu’on a envie d’en boire jusqu’à plus soif, qu’on a difficile à se dire déjà fini est Liebman renégat où Riton Liebman (auteur et interprète, dans une mise en scène d’Olivier Coyette) fait revivre son père, un juif de gauche propalestinien. Un homme infréquentable pour beaucoup de bien-pensants, mais que nous verrons aussi à travers les yeux d’un fils …
Le spectacle tendre, émouvant, captivant aborde sans concession Israël, diaspora, sort des Palestiniens, communisme, Shoah…
Riton Liebman se glisse dans tous les personnages, le gamin frondeur, le père idéaliste, la voisine réprobatrice, etc., sans jamais choquer sans prendre de positions radicales, mais en interpellant avec un humour fin et un air faussement flegmatique qui donnent à l’ensemble un relief savoureux.
Si, comme d’habitude, les différents crus diffèrent en qualité, il y a quand même de quoi se régaler (All Inclusive et Minnie 7) et même franchement se délecter avec Liebman renégat, ne tardez donc dès le 29 décembre le millésime 2012 s’annonce comme épuisé.
Spectacle vu le 11-12-2012
Lieu :
Théâtre de Poche
Une critique signée
Muriel Hublet
Imprimer cette page
Enregistrer cette page sous format PDF