Étranger… étrange.
Quelle valeur accordons-nous à ce mot ?
C’est cette réflexion, ce cheminement, ce raisonnement que la mise en scène et l’adaptation de Benoît Verhaert veulent susciter en chacun de nous.
Dans la chaleur moite de l’Algérie française, chère à Camus, Meursault semble vivre, planer, atone, sans sentiments.
Ses gestes, ses phrases paraissent plus le fruit de la fatalité, de l’indécision, de l’incapacité à dire non ou à réagir que d’une réelle volonté.
Indifférent, détaché, il dénote.
Il commet un meurtre, presque par hasard, il assiste à son procès comme absent.
Dans cette économie de mots, dans ces silences, impossible de ne pas faire le parallélisme entre le vide affectif de Meursault, entre cette impression qu’essaie de nous transmettre Stéphane Pirard d’un homme enfermé dans une bulle imperméable au moindre ressenti et les unes des journaux étalant les dérapages et autres tueries de personnages que l’on décrit dans les mêmes termes… étranges, inadaptés.
Dans ce monde où l’hypocrisie sociale est de rigueur, voire quasi institutionnelle, Benoît Verhaert réussit en rendant (et cela était bien nécessaire parfois) toute sa place à ce chef-d’œuvre camusien à titiller nos consciences, à nous pousser à une saine réflexion.
Inévitablement les âmes chagrines et les puristes reprocheront un certain parti pris de simplification des enjeux, évacuant trop facilement les responsabilités de la société.
Mais face à l’engouement des jeunes et des aînés, face au regain d’attrait pour l’œuvre de Camus, la démonstration est éclatante, le théâtre comme la littérature sont gagnants.
Spectacle vu le 09-02-2013
Lieu :
Théâtre Varia - Grande Salle
Une critique signée
Muriel Hublet
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