Cahier d'un Retour au Pays Natal
Debout et libre
Au bout du petit matin…
mots sont répétés à l’envi, comme un leitmotiv, par un corps couché, semblable aux clochards qui hantent nos rues.
Description poétique, mais tristement et amèrement réaliste d’une ville, de sa ville qu’il semble découvrir dans toute sa froideur glacée et solitaire, mais qu’il revoit aussi avec ses yeux d’enfant.
Cette (très) longue litanie, faite de superbes images, est le début d’une prise de conscience.
Il va replonger dans les racines de son Afrique natale, revivre des bribes de sa jeunesse, dans une quête identitaire libératrice.
Sa voix se fait porte-parole de la multitude de ses compatriotes écartelées entre différentes cultures, qui ont courbé l’échine sous le joug de l’esclavage, qui ont subi la ségrégation, les lynchages et toutes les formes de racisme.
Ce passé de soumission il veut désormais le rejeter, oser se redresser, prouver qu’il est tout autant de valeur qu’un blanc, que la couleur de la peau ne fait pas l’homme.
Il lève en étendard sa négritude, fier de ce qu’il est, hier, aujourd'hui et demain un Homme tout simplement.
Debout et libre comme il le clame lui-même.
Cahier d'un Retour au Pays Natal d’Aimé Césaire est un texte fort et poignant, un véritable cri de révolte contre la colonisation, un aveu honteux de son tiraillement entre deux cultures.
Comme les vagues attaquent la plage aux rythmes des marées, son écriture est mouvante.
Comme le vent qui souffle, elle charrie idées et émotions, beauté et cruauté.
Daniel Scahaise, pour sa mise en scène, procède par petites touches délicates, montrant, soulignant ou entrant en résonnance avec les propos de l’auteur.
Sous sa houlette, le comédien burkinabé Étienne Minoungou, tout en force et en nuances, se glisse excellemment dans ce personnage vibrant et complexe.
Pendant une heure d’une superbe performance d’acteur, il manie la langue riche et par instants d’Aimé Césaire.
C’est peut-être cette opulence, ce lyrisme et ces tournures de phrases parfois alambiquées que l’on peut déplorer.
L’esprit du public s’égare et se disperse, peinant à l’appréhender dans toute sa multiple diversité si troublante, colorée et ardente.
Mais cela n’enlève rien à ce spectacle fiévreux et qui clame impérieusement le droit d’exister Debout et libre.
Spectacle vu le 08-03-2015
Lieu :
Théâtre des Martyrs - Atelier
Une critique signée
Muriel Hublet
Imprimer cette page
Enregistrer cette page sous format PDF