L’Odeur des arbres
Lorépeni, son lac asséché et sa grand-route ultrarapide.
Lorépeni devenue prospère grâce au passage des camions.
Lorépeni, sa poussière et son ciel où volent trois éperviers.
Lorépéni et ses secrètes turpitudes.
Les pieds sur un sol de terre battue, le nez chatouillé par l’humidité de l’humus, nous sommes quelque part en Afrique de l’Ouest, dans une ville toute droite sortie de l’imaginaire de Koffi Kwahulé.
Dans un texte poétique (qui n’évite donc pas certaines longueurs aux insensibles des envolées lyriques), il nous plonge dans les racines d’un drame de la vie et de l’argent.
Shaïne (Halimata Nikiema) revient chez elle après vingt ans d’absence.
Elle ne reconnaît plus rien.
Pire elle ne retrouve pas la maison de son père ni la trace du vieil homme.
Autour d’elle, la ville est comme muette et amnésique.
Naa’ba (Anatole Koama), son amour d’antan, devenu bourgmestre, lui apprend que son père, comme elle jadis, a quitté Lorépeni sans raison apparente et sans laisser le moindre mot derrière lui.
Sa cadette Zein’ke (Safoura Kaboré) a été considérée comme héritière et a vendu murs et terrain pour permettre la construction de la route qui, en reliant le petit bourg au reste du monde, lui a apporté la prospérité.
Une explication qui ne satisfait pas du tout Shaïne venue juste pour revoir la maison de son enfance et se recueillir sur la tombe de son père.
Son jeune frère, Ezgi (Urbain Guiguemde) lui apprendra l’horrible vérité et entraînera ainsi toute la famille sur une pente dramatique.
Entre intrigue policière et tragédie antique, L’odeur des arbres explore la volonté comme la veulerie humaine face à l’argent.
Entre honneur et cupidité, entre respect et mensonges, jusqu’où peut-on aller ?
Que peut-on exiger, subir ou supporter ?
Isabelle Pousseur recrée ici à l’Océan Nord, l’ambiance africaine, avec ses mélodies, ses pas de danse, sa langueur et sa chaleur.
Le phrasé savoureux, le jeu généreux des acteurs (Urbain Guiguemde, Safoura Kaboré, Hypolitte Kanga, Anatole Koama, Halimata Nikiema et Yanaé Minoungou) et l’art subtil des mots qui mélange poésie et réalité forment un ensemble harmonieux et séduisant qui fait oublier le petit défaut que sont les temps morts entre les scènes.
On s’attache à ce récit, à ces vies ruinées, à cette famille brisée.
On veut aller avec elles jusqu’au bout de leur destin.
Spectacle vu le 17-02-2015
Lieu :
Théâtre Océan Nord
Une critique signée
Muriel Hublet
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