La mélodie du bonheur
La comédie musicale a été le premier style de spectacle que j’ai découvert, bien avant le théâtre.
Alors quand le Festival Bruxellons met à l’affiche La Mélodie du Bonheur… c’est dire si j’en attends beaucoup et si je place la barre très haut !
Me proposer ce qui est quasi ma madeleine de Proust !
J’avoue avoir déjà visionné le film (restons raisonnable), une bonne vingtaine de fois (la vérité pourrait me faire cataloguer par certains dans les incurables romantiques ou comme amatrice de guimauve) et en avoir vu plusieurs adaptations scéniques.
Les gars, accrochez-vous, je serai un public très critique.
Je ne pense pas devoir vous résumer l’histoire de Maria, la jeune novice, envoyée comme gouvernante des sept enfants du Capitaine Van Trapp.
Un petit clown, un cyclone qui va venir chambouler une famille régie quasi militairement par un veuf autrichien, et ce à la veille de l’annexion du pays par le IIIe Reich.
La mise en scène de Daniel Hanssens et Jack Cooper est en tout point fidèle au récit (celui de la comédie musicale diffère notamment dans l’ordre des chansons du film) et laisse la part belle au côté glauque de la montée de la dictature allemande (coup de chapeau pour la reconstitution de l’ambiance post Anschluss) et au comportement des uns et des autres devant cette nouvelle force oppressive.
Loin des versions parfois réduites en personnages ou avec énormément de doubles rôles, la distribution de Bruxellons ! est fastueuse : 31 comédiens sur les planches et dans les travées (36 en comptant les interprètes jouant en alternance) et 11 musiciens.
Daniel Hanssens et Jack Cooper n’ont lésiné sur rien.
Ils se sont entourés d’une solide équipe : Pascal Charpentier pour la direction musicale, Joëlle Morane pour les chorégraphies et le coaching des enfants, Isabelle Rigaux comme coach vocal, Laurent Kaye à la création lumières et Dimitri Shumelinsky pour la scénographie.
C’est cette dernière que l’on remarque d’emblée, le décor emplit toute la longueur de la cour du Château du Karreveld et permet d’avoir une vision de l’intérieur de la maison des Von Trapp, avec escalier et accès aux chambres, la terrasse, le jardin, le couvent et même les montagnes, si chères au cœur de la jeune Maria.
Certains mégoteront pour le manque de contrastes entre les espaces de jeu, nous leur rappellerons que le théâtre c’est aussi, et avant tout, du rêve et de l’imagination.
Et cette Mélodie du Bonheur offre le tout (et bien plus).
À commencer par l’espèce d’alchimie magique entre Laure Godisiabois et les enfants.
Si Laure nous avait séduits par son charme mutin et piquant dans La revanche de Gaby Montbreuse (Bruxellons ! 2012), elle confirme ici (s’il lui était encore nécessaire de le faire) son talent d’actrice et de chanteuse.
Émouvante, pleine de retenue, par moments (voulus dans le script) presque tendrement nunuche, elle réunit toutes les caractéristiques de la Maria du film.
Confondants de naturel et croquants en diable, les plus jeunes de la troupe sont d’une précision redoutable, avec une mention à Maud Hanssens (Liesl) délicieuse dans son duo avec Rolf (Damien Locqueneux).
Côté voix, impossible d’ignorer le magnifique timbre de Marie-Laure Coenjaerts (La Mère Supérieure) et le poignant Edelweiss de Wim van den Driessche (Capitaine von Trapp).
Côté jeu, c’est la prestance et la présence de la douce Nicole Valberg (Frau Schmidt) qui est à souligner.
On ne peut donc que s’incliner et applaudir à tout rompre le travail de toute cette formidable équipe, au service d’un projet fou et pourtant fameusement bien réussi.
On ressort de là les yeux emplis d’étoiles et la tête pleine de notes, prêt à chanter (si on n’a pas déjà commencé discrètement pendant le spectacle) Do-Re-Mi ou Mes joies quotidiennes.
Cependant, il faut avouer que face à ce boulot incroyable, après cette magnifique soirée passée avec des artistes généreux et complices, on ressent comme une tristesse, un énorme bémol…
Tant de travail, tant d’investissements pour un été, pour 25 représentations seulement.
Madame Joëlle Milquet, Ministre de la Culture de la Fédération Wallonie-Bruxelles, dans sa note d’orientation Pour une politique théâtrale renouvelée prône une offre diversifiée avec des synergies renforcées.
Après Cabaret, Hope, Le violon sur le toit, La Mélodie du Bonheur clôture avec brio une saison riche en comédies musicales et laisse présager d’un nouvel essor du genre en Belgique.
Mais il serait dommage que ce rêve fabuleux s’éteigne le 4 septembre faute de trouver ces fameuses synergies pour le faire tourner dans tout le pays.
Souhaitons donc que cela ne soit pas le cas et que cette formidable création déniche les acheteurs ou les partenaires pour continuer à exister et à ravir un public très nombreux.
Ne disposant pas d’une boule de cristal pour lire l’avenir, je ne peux donc que vous dire … courrez-y vite, il reste encore des places.
Spectacle vu le 20-07-2015
Lieu :
Festival Bruxellons
Une critique signée
Muriel Hublet
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