C’est une immense scène avec un fauteuil, un enregistreur et un lampadaire que Philippe Sireuil a opté.
Pourtant, le plateau du Théâtre de la Place des Martyrs est loin d’être vide.
Au contraire, il est empli des souvenirs, des bribes du passé, des réminiscences et des souffrances de Madeleine, comédienne à la carrière glorieuse.
À ses côtés, une jeune femme la presse de questions et essaie d’arracher à une mémoire défaillante une silhouette, un fantôme.
Entre elles deux, une chanson de Piaf et Savannah Bay, petite ville du Siam, une passion, un suicide et la naissance d’une enfant.
Un dialogue parfois décousu, fait d’allers et retours, va s’instaurer.
Sorte de labyrinthe dans un esprit qui s’est refermé sur ses douleurs, parcours pudique composé de non-dits, de mensonges pieux ou de souvenirs enjolivés par l’amour et le désespoir, le texte de Marguerite Duras nous promène dans un rêve éveillé, entre délire et réalité, entre douceur et violence, entre désir et solitude, entre vie et mort.
Paradoxalement, son langage se veut poétique et ses descriptions fortes et précises permettent à chacun de sentir sur sa peau la caresse du soleil ou la chaleur de la pierre blanche.
Sans cesse sur le fil de l’émotion, entre joie et tristesse, entre doute et interrogation, entre espoir et résignation, Savannah Bay et l’interprétation sans faille de ses deux actrices nous font vivre tout un panel de sentiments.
Philippe Sireuil, par son jeu superbe d’éclairages, crée une intimité entre les deux femmes et fait du public, un voyeur, le témoin privilégié de leurs détresses respectives.
Si les mots de Marguerite Duras trouvent un écho différent dans le cœur et l’esprit de chaque spectateur, si chacun a son propre ressenti et sa propre vérité, une unanimité s'exprime malgré tout : Edwige Baily et Jacqueline Bir sont magnifiques et troublantes.
Leurs paroles comme leurs silences, leurs regards, leurs gestes sont éloquentes, fortes et vibrantes.
Mais le talent des deux interprètes, sans le travail de Philippe Sireuil, ne dégagerait pas la même profondeur complexe et séduisante tant ce dernier réussit à créer une ambiance, un contexte.
Tel un orfèvre, il taille ici un petit bijou aux multiples facettes flamboyantes, irisées et chatoyantes.
Savannah Bay mérite donc franchement d’être vu et applaudi pour sa qualité et pas seulement pour saluer le retour à la scène de Jacqueline Bir.
Muriel Hublet
Spectacle vu le 20-05-2010
Théâtre des Martyrs
Présentation du spectacle :
Résumé :
Comme tous les jours ou presque, la jeune femme est venue à la rencontre de la dame
âgée. Comme tous les jours sans doute, ainsi qu’elle tente de le faire chaque fois, la
jeune femme va vouloir que la dame âgée lui raconte l’histoire, l’histoire de Savannah
Bay ou plutôt les histoires de Savannah Bay, le puzzle d’une vie à la pièce à jamais
manquante, l’histoire d’un amour tragique et démesuré, scellant à jamais le destin de la
morte, mais aussi de celles et ceux qui lui ont survécu : la mère, l’homme et la petite fille
née de cet amour…
L'affiche :
L'auteur est Marguerite Duras
avec Edwige Baily et Jacqueline Bir
Décor, costumes, lumières et mise en scène : Philippe Sireuil
Les prochaines représentations :
1
L'avis de Deashelle
Le décor est complètement noir, comme la pièce d’ailleurs, mais est-ce une vraie pièce ou une partition de douleur murmurée, chantée, partagée, transmise ? Surgissent des jeux de clair obscur dignes des visages de Rembrandt. Deux imperméab...